vendredi, avril 08, 2005

Billet : Multinationales et droits de l'Homme

par Ahmed Saâïdi | Le matin du 07.04.2005


Sociétés multinationales, transnationales, etc. Autant de dénominations pour une même réalité qui pose, de surcroît, de nombreux problèmes, y compris au sein du pays qui en possède le plus au monde : les Etats-Unis.
A titre d'exemple, l'Association américaine des juristes s'est, à maintes reprises, élevée contre les violations par celles-ci des droits humains tels que définis par les Nations unies.

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D'après elle, ces pratiques, souvent occultées par les médias, sont directement reliées à l'objectif fondamental de ces entreprises, à savoir l'obtention d'un bénéfice maximal en un minimum de temps. Les moyens que celles-ci emploient pour y arriver (réduction maximale des salaires, production dans des pays peu regardant sur le respect des droits du travail et celui de l'environnement, avantages fiscaux, réglementation flexible et/ou particulièrement favorable, taux d'intérêts élevés pour les capitaux spéculatifs, ...) vont régulièrement à l'encontre des droits humains, qu'il s'agisse des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux et culturels ou du droit au développement.

Le caractère diffus des activités des sociétés transnationales, leurs nombreuses fusions-acquisitions et changements de raisons sociales, la difficulté d'établir le lien entre une société déterminée et des produits ou services, brouillent les cartes et empêchent tout suivi vigilant et rigoureux des dénis de justice que ces entreprises transfrontalières commettent un peu partout sur la planète, et ce malgré le fait que leurs sièges sociaux soient facilement repérables et que leurs dirigeants soient identifiables.

Ces multinationales sont certes des personnes morales de droit privé qui peuvent être considérées comme des sujets de droit international. Mais elles ne sont pas des personnes morales internationales, qualité dont seuls jouissent les Etats et les organisations interétatiques.
En qualité d'agents économiques privés, elles sont donc, en principe, soumises au droit des Etats où elles exercent leurs activités.

Or, les disparités entre les corpus juridiques en la matière sont telles qu'ells ne peuvent permettre une démarche commune au niveau international. De plus, le transfert d'activités interdites ou réglementées dans un Etat vers des pays disposant de réglementations moins contraignantes permet aux sociétés transnationales d'éluder leurs responsabilités.

La délocalisation d'industries dangereuses ou polluantes, de même que le déplacement d'activités vers des pays à la main-d'œuvre bon marché et sans protection sociale aux fins de baisser les coûts de production, constituent des exemples d'abus commis par ces entreprises, mais tolérés, voire encouragés, par les hérauts de la mondialisation.

Lesquels aident, en outre, ces entreprises à diffuser une culture et des comportements dont la finalité n'est autre que la subordination de la politique à l'économie tant au niveau mondial qu'à celui de chaque Etat, en particulier. Ces chantres d'un monde où les frontières ne doivent servir qu'à empêcher le déplacement des hommes, aident le capital à ne respecter de règles que celles du marché et d'un laisser-faire qui n'aime nulle contrainte hormis celle du gain.

Le hic, c'est que pareilles attitudes peuvent affaiblir la démocratie représentative et remettre en cause le rôle des institutions politiques tant nationales qu'internationales qui sont, elles, responsables du maintien de cette paix sans laquelle les affaires pourraient difficilement être bénéfiques, rentables et créatrices de richesses. Alors que faire ?