vendredi, septembre 18, 2009

Le rebond de la croissance mondiale repose sur les BRIC

LE MONDE | 16.09.09

Le département du commerce américain a fait savoir que les ventes de détail avaient progressé de 2,7 % au mois d'août, leur plus forte hausse depuis janvier 2006. Si c'est le signe que le consommateur américain retrouve un peu d'appétit, les économistes sont aussi d'accord pour dire que la ménagère du Texas ne pourra plus jouer le rôle de moteur de croissance de l'économie mondiale, comme elle l'était depuis deux décennies. Le temps du désendettement et de l'épargne est venu pour les Américains. Ce n'est guère non plus sur la vieille Europe, engluée dans ses problèmes structurels de dettes publiques, de prélèvements obligatoires record et de retard technologique, que l'économie mondiale peut compter pour retrouver son dynamisme passé.



C'est vers les grands pays émergents, les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) que l'espoir se porte aujourd'hui - l'espoir que la phase de rattrapage de leur niveau de vie vis-à-vis des pays occidentaux va se poursuivre, voire s'accélérer. Et que leurs modèles de croissance, jusqu'à présent essentiellement basés sur les exportations, qu'il s'agisse de T-shirts ou de matières premières, va progressivement céder la place à un nouveau mode de développement, faisant la part belle à la demande intérieure. Etat des lieux dans les économies des BRIC, un an après le séisme.

Chine. Avec des ventes de voitures en hausse de près de 30 % sur les huit premiers mois de l'année, une reprise soutenue des importations de matières premières et une Bourse en surchauffe, la Chine ne donne pas vraiment l'impression de souffrir de la crise mondiale. Le taux de croissance annuel de 8 % du PIB, l'objectif initial du gouvernement pour 2009, devrait être atteint, a récemment déclaré le Bureau national des statistiques.

La robustesse de la croissance chinoise s'explique par le méga-plan de relance de 4 trillions de yuans (400 milliards d'euros) sur deux ans annoncé fin 2008, source d'une frénésie d'investissement en infrastructures sans pareil dans l'histoire économique mondiale. Dans l'urgence, le gouvernement chinois a ordonné aux banques d'ouvrir toutes grandes les vannes du crédit. Et après un fort ralentissement en juillet, les crédits sont repartis en août.

Cette stratégie de relance aux stéroïdes, qui a permis d'amortir le choc sur l'emploi et d'éviter que n'explose le chaudron social, est aussi porteuse de déséquilibres : une partie de l'argent des banques s'est visiblement dirigée vers la spéculation (bourse, immobilier et matières premières), tandis que de futures mauvaises créances s'accumulent. Le modèle économique chinois, ont dénoncé plusieurs économistes chinois réunis vendredi 12 et samedi 13 septembre, au Davos chinois, à Dalian, penche un peu plus du mauvais côté, celui de l'investissement au détriment de la consommation.

Inde. Malgré la crise mondiale survenue il y a un an, la croissance indienne s'est poursuivie à un rythme soutenu. Elle a atteint 6,7 % sur l'année fiscale qui se termine au 31 mars 2009, et devrait descendre aux alentours de 6 % lors de l'exercice suivant. La mauvaise mousson de cet été, avec la moitié du pays touchée par la sécheresse, explique ce léger fléchissement. Hormis l'agriculture, tous les secteurs sont épargnés par la crise. La production industrielle a connu en juin sa meilleure performance en un an et demi. Et le secteur des services a maintenu son rythme de croissance de 6,3 % au premier trimestre 2009. L'Inde doit sa bonne performance à la robustesse de sa demande intérieure et à la résistance de son système financier, "peu connecté au reste du monde", comme le note Rajiv Kumar, directeur du Conseil indien pour la recherche sur les relations économiques internationales (Icrier).

Dans un pays où seuls 15 % de l'économie dépendent des exportations, la demande intérieure a été peu affectée par la récession mondiale, surtout dans les zones rurales, qui constituent la moitié du revenu national. Grâce aux programmes sociaux et à la hausse des investissements publics dans les infrastructures, les campagnes ont, au contraire, vu leurs revenus augmenter. L'Etat en paie le prix fort, avec un déficit budgétaire représentant 6,8 % du PNB. Et l'agence de notation Standard & Poor's a ramené de "stable" à "négatif" sa notation souveraine sur l'Inde. Le pays reste toutefois une destination attirante pour les investisseurs du monde entier, car il est perçu comme un relais de croissance idéal aux marchés saturés, et touchés par la crise, des pays développés.

Brésil. En prédisant avec ironie il y a un an que "le tsunami" de la crise provoquerait dans son pays une simple "vaguelette", le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, avait vu assez juste : la récession n'aura duré qu'un semestre.

Le produit intérieur brut a augmenté de 1,9 % au deuxième trimestre 2009, après avoir régressé pendant deux trimestres consécutifs : - 3,4 % (octobre-décembre 2008) et - 1 % (janvier-mars 2009).

Selon le ministre de l'économie, Guido Mantega, le géant sud-américain devrait, sur sa lancée, retrouver en 2010 sa vitesse de croisière d'avant la crise, autour de + 4,5 %.

Happé par la récession plus tard que la plupart des pays du monde, le Brésil en sort plus tôt, comme l'attestent deux autres indices : la bourse de Sao Paulo a retrouvé son très haut niveau d'il y a un an et la monnaie, le real, a reconquis toute sa vigueur face au dollar et à l'euro.

La rapide récupération du Brésil témoigne de la justesse de la stratégie adoptée par le gouvernement et axée sur le soutien du marché intérieur. Des réductions d'impôts en faveur de l'automobile et de l'électroménager ont maintenu les ventes dans ces deux secteurs industriels cruciaux.

La banque centrale a aidé les banques en difficulté, puisant dans ses grosses réserves - 200 milliards de dollars - pour irriguer le marché asséché. De grosses entreprises, comme le géant minier Vale, ont pris peur, en gelant leurs investissements, ce que le président Lula leur reproche aujourd'hui. Mais la confiance des consommateurs, elle, n'a guère été ébranlée : "L'économie a survécu grâce aux plus pauvres", souligne Lula.

Russie. Bien plus touchée par la crise que les autres pays du BRIC (Brésil, Inde, Chine), la Russie connaît un semblant de reprise. Son PIB a augmenté, en glissement mensuel, de 0,4 % en juin et de 0,5 % en juillet.

Le ministre russe des finances, Alexeï Koudrine, se veut optimiste : le pays émergera "complètement" au troisième trimestre 2009. "Sur le long terme et pour de multiples raisons, la Russie restera dotée d'une solide croissance" qui lui permettra de se hisser "au sixième rang de l'économie mondiale".

Après un essor économique sans précédent ces dix dernières années, la Fédération russe a subi la crise de plein fouet. Son PIB a chuté de 9,8 % au premier trimestre sur un an, et de 10,9 % au deuxième trimestre.

Cet atterrissage brutal s'explique par le modèle russe de croissance, axé sur les exportations de matières premières et le recours massif aux crédits étrangers. La crise a révélé l'échec des autorités à mettre en place des réformes structurelles au moment où l'Etat engrangeait les recettes de la vente du pétrole. Conscientes de ces faiblesses, les autorités russes ont plaidé ces derniers mois en faveur d'une diversification et d'une modernisation des infrastructures.

Ces bonnes résolutions risquent d'être vite oubliées. Le frémissement actuel de l'économie a une seule cause, la remontée des prix du pétrole, passés de 33 dollars en décembre 2008 à 70 dollars ces derniers mois. Quant au recours aux emprunts à l'étranger, il s'est tari, ce qui signe la fin de la consommation effrénée et des projets de développement. "Vingt années de tumultueux changements dans notre pays n'ont pas changé son humiliante dépendance aux matières premières. (...) A de rares exceptions près, nos entreprises ne créent pas les biens et la technologie nécessaires à la population", a récemment souligné le président, Dmitri Medvedev.



Jean-Pierre Langellier (à Rio), Marie Jégo (à Moscou), Julien Bouissou (à New Delhi), et Brice Pedroletti (à Shanghaï)
Article paru dans l'édition du 17.09.09

La crise provoque une baisse mondiale des investissements étrangers

La crise provoque une baisse mondiale des investissements étrangers
LE MONDE 18.09.09

En 2008, les entreprises ont globalement donné un sérieux coup de frein à leurs investissements à l'étranger. "Après une hausse ininterrompue des investissements directs étrangers (IDE) de 2003 à 2007, ceux-ci ont chuté de 14 % à 1 697 milliards de dollars [1 157 milliards d'euros] en 2008" selon le Rapport sur l'investissement dans le monde 2009, publié jeudi 17 septembre par la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced).

Cette baisse, encore modérée en 2008, en raison d'un premier semestre, épargné par la crise, devrait toutefois s'accentuer en 2009, avec une nouvelle décroissance de 29% des IDE, estiment les experts de la Cnuced. Ils s'attendent à un début de reprise en 2010. Mais il faudra attendre 2011 pour retrouver sensiblement les mêmes montants qu'en 2008.

La chute est particulièrement sensible dans les pays développés. En revanche, les IDE ont augmenté dans les pays en développement en 2008, mais ont fini par chuter à leur tour en 2009.Ces évolutions contrastées dans les différentes régions du monde, témoignent d'un véritable "basculement" estime Fabrice Hatem, senior economist à la Cnuced. Les investissements vers les pays en développement représentent 43 % des flux d'IDE dans le monde en 2008, soit une proportion deux fois plus importante qu'au début de la décennie.

Paradoxalement, tandis que les Etats-Unis ont été particulièrement affectés par la crise, les IDE y ont continué d'augmenter en 2008. Ce pays reste celui qui recueille le plus d'investissements étrangers en 2008, la France est en deuxième position (malgré une baisse de 26 %), devant la Chine, suivie du Royaume-Uni et de la Russie.Plusieurs raisons expliquent la bonne performance américaine. La principale étant que ce pays a été le siège de quelques grosses opérations de fusions-acquisitions en 2008. Avec en particulier l'achat du brasseur Anheuser-Busch par le belge InBev pour plus de 52 milliards de dollars, soit le sixième des IDE vers les Etats-Unis en 2008. En outre, il semble que les filiales américaines de multinationales, aient appelé à la rescousse leurs maisons mères (européennes ou asiatiques) pour soulager leur trésorerie. Cela a aussi contribué à gonfler les flux vers les Etats-Unis.Compte tenu de ces phénomènes, les IDE demeurent-ils un bon indicateur pour juger de l'attractivité d'un pays, et de sa santé économique ? Certes un investissement "ex-nihilo" (pour installer de nouveaux équipements, par exemple) est un indicateur positif. Il est un facteur de croissance, potentiellement créateur d'emplois. Mais, à l'inverse, certains prêts intragroupes témoignent de la dégradation économique du pays vers lesquels ils sont dirigés. Par ailleurs, lorsqu'une société est acquise par une autre, son siège social et donc son centre de décision, quitte le territoire, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur l'emploi par exemple.


Pour M. Hatem, les IDE restent, néanmoins, un indicateur d'attractivité. Les conséquences positives l'emportent, estime-t-il. "Fondamentalement, la croissance des IDE dans un pays est fortement corrélée à sa dynamique de développement" assure t-il. Les avances en trésorerie, par exemple, ne peuvent être que passagères. Un investissement, voir une filiale, finissent par être arrêtés s'ils ne sont pas rentables. La place de la France, en seconde position, est donc une performance encourageante.

samedi, avril 04, 2009

Qu'est-ce que la titrisation ?

LA CRISE des hypothèques à risque (subprimes) qui a éclaté en 2007 notamment aux Etats-Unis, a terni le concept de titrisation, qui date de plusieurs décennies.

La titrisation consiste à regrouper certains types d’actifs pour les restructurer en titres portant intérêts. Le paiement des intérêts et du principal sur ces actifs est transféré à l’acheteur des titres.

La titrisation a commencé dans les années 70, quand les agences spécialisées appuyées par le gouvernement des États-Unis ont regroupé les hypothèques immobilières. À partir des années 80, on a commencé à titriser d’autres actifs générateurs de revenu et, ces dernières années, le marché a connu une croissance spectaculaire.

Sur certains marchés, comme ceux des titres adossés à des hypothèques à risque aux États-Unis, la dégradation inattendue de la qualité de certains des actifs sous-jacents a miné la confiance des investisseurs. L’ampleur et la durée de la crise du crédit qui en résultent semblent montrer que la titrisation, combinée à une mauvaise distribution du crédit, à des méthodes d’évaluation inadéquates et à un contrôle réglementaire insuffisant, pourrait porter un coup très grave à la stabilité financière.

Un nombre croissant d’institutions financières utilisent la titrisation pour transférer le risque de crédit sur les actifs qu’elles émettent de leur bilan à celui d’autres institutions, comme les banques, les compagnies d’assurances et les fonds spéculatifs. Les raisons en sont diverses. Il est souvent moins coûteux de mobiliser de l’argent par la titrisation, et les actifs titrisés revenaient moins
cher aux banques parce que les autorités de réglementation ne leur appliquaient
pas les mêmes normes qu’aux actifs sous-jacents. En principe, cette méthode consistant à «initier et distribuer» a aussi apporté de grands avantages économiques
en étalant le risque de crédit, réduisant ainsi la concentration du risque et les
vulnérabilités systémiques.

Jusqu’à l’éclatement de la crise du crédit à risque, la titrisation semblait avoir des effets modérés et positifs. Pourtant, d’aucuns lui reprochent de réduire l’incitation des initiateurs à respecter des normes minimales de prudence en matière de crédit, de gestion du risque et d’investissement, à une époque où les faibles rendements des titres de créance classiques, les taux de défaillance défaillance historiquement bas et la facilité d’accéder aux instruments de couverture encourageaient les investisseurs à prendre plus de risques pour obtenir un meilleur rendement. Beaucoup de prêts n’étaient pas comptabilisés dans le bilan de ceux qui les titrisaient, ce qui a peut-être encouragé les initiateurs à trier et surveiller moins strictement les emprunteurs, avec pour conséquence éventuelle une dégradation systématique des normes de prêt et de garantie.

La titrisation : mode d’emploi

Sous sa forme la plus simple, le processus comporte deux étapes(voir graphique).

Dans la première, une société qui détient des créances ou d’autres actifs générateurs de revenu — l’initiateur — choisit les actifs qu’elle veut enlever de son bilan et les regroupe dans ce qu’on appelle un portefeuille de référence. Elle vend ensuite ces actifs à un émetteur, par exemple une entité à vocation spéciale (EVS), souvent créée par une institution financière pour acheter les actifs et effectuer leur traitement juridique et comptable hors bilan. Dans la seconde étape, l’émetteur finance l’acquisition des actifs groupés en mettant sur le marché des titres rémunérés négociables qui sont vendus à des investisseurs sur le marché des capitaux. Ceux-ci reçoivent des paiements à taux fixe ou flottant depuis un compte fiduciaire financé par le produit du portefeuille de référence. Dans la plupart des cas, l’initiateur assure le service des prêts du portefeuille, collecte les paiements
des emprunteurs initiaux et les transmet, moyennant une commission, à la structure ou au fiduciaire. Au fond, la titrisation est une source de financement alternative et diversifiée fondée sur le transfert du risque de crédit (et peut-être aussi du risque de taux d’intérêt et de monnaie) de l’émetteur à l’investisseur.

Selon une formule récente plus raffinée, le portefeuille de référence est divisé en plusieurs tranches, dont chacune comporte un niveau de risque différent et est vendue séparément. Le retour sur investissement (remboursement du principal et des intérêts) et les pertes sont répartis entre les diverses tranches selon leur rang.

Par exemple, la tranche la moins risquée a la première créance sur le revenu produit par les actifs sous-jacents, et la plus risquée a la dernière créance. La structure classique de titrisation a trois paliers : junior, mezzanine et senior. Cette structure concentre les pertes attendues sur la tranche junior, ou position de premier risque, qui est généralement la tranche la plus petite, mais celle qui supporte la plus grande part du risque de crédit et reçoit le rendement le plus élevé. Il n’y a guère d’anticipation de perte sur les tranches senior, qui sont très sensibles à l’évolution de la qualité des actifs sous-jacents parce que les investisseurs financent souvent leur achat par l’emprunt. Cette sensibilité a été la source des difficultés du marché hypothécaire à risque l’an dernier. Quand les tranches les plus risquées ont connu des problèmes de remboursement, la crise de confiance s’est propagée aux détenteurs des tranches senior, suscitant chez les investisseurs la panique et la fuite vers des actifs plus sûrs, et entraînant une braderie de la dette titrisée.

Initialement, la titrisation servait à financer des actifs autoamortissables simples comme les hypothèques. Mais on peut structurer tout actif ayant une trésorerie stable en l’insérant dans un portefeuille de référence qui appuie la dette titrisée.

Les titres peuvent être adossés à des hypothèques, mais aussi à des emprunts d’entreprise et d’État, au crédit consommation, au financement de projets, à des créances d’exploitation ou sur baux financiers, et à des accords de prêt personnalisés. On désigne ces instruments par le terme générique «titres adossés à des actifs (TAA)», sauf les transactions adossées à des hypothèques (résidentielles ou commerciales), que l’on appelle «titres adossés à des créances hypothécaires»
(TACH). L’obligation structurée adossée à des emprunts en est une variante qui utilise la même technique que les TAA, mais comporte une gamme d’actifs plus large et plus variée.

L’attrait de la titrisation

La titrisation a d’abord été un moyen pour les institutions financières et les entreprises de trouver de nouvelles sources de financement, soit en retirant des actifs de leur bilan soit en y adossant leurs emprunts pour refinancer leur émission au juste taux du marché. Elle réduisait le coût de leurs emprunts et, dans
le cas des banques, abaissait le niveau de fonds propres exigé.

Supposons, par exemple, qu’une société de crédit-bail ait besoin de liquidités. Dans la procédure normale, elle ferait un emprunt ou vendrait des obligations. Sa capacité de le faire, et le coût, dépendraient de sa solidité financière globale et de sa cote de crédit. Si elle trouve des acheteurs, elle peut vendre directement
certains des contrats, transformant ainsi des rentrées futures en liquide. Le problème est qu’il n’existe presque pas de marché secondaire pour les baux individuels. En les regroupant, la société peut lever des fonds en vendant le tout à un émetteur qui, à son tour, le transforme en titres négociables.

En outre, les actifs sont dissociés du bilan de l’initiateur (et de sa cote de crédit), permettant aux émetteurs de lever des fonds pour financer l’achat des actifs à un coût moindre que si l’on prenait seulement en compte la solidité du bilan de l’initiateur.

Par exemple, une société ayant une cote globale «B» et détenant des actifs cotés «AAA» pourrait trouver des fonds avec une note «AAA», et non «B» en titrisant ses actifs. Contrairement à la dette classique, la titrisation n’augmente pas le passif de la société, mais produit des fonds pour l’investissement sans accroître le bilan.

La titrisation n’offre pas seulement aux investisseurs un nombre plus grand d’actifs à investir. Sa flexibilité permet aussi aux émetteurs d’adapter la structure des risques et des gains des tranches à la tolérance du risque par les investisseurs.

Par exemple, les fonds de pension et autres organismes de placement collectif ont besoin d’une gamme variée d’instruments à revenu fixe et à long terme bien cotés qui dépassent ce que les émissions de dette publique peuvent offrir. Si la dette titrisée est négociée, les investisseurs peuvent, à un faible coût de transaction, ajuster rapidement leur exposition aux actifs sensibles à la notation selon l’évolution de leur sensibilité au risque, le sentiment du marché et les préférences de consommation.

Parfois, les initiateurs ne vendent pas simplement les titres à l’émetteur («titrisation par cession authentique»), mais cèdent seulement le risque de crédit associé aux actifs sans transférer le titre de propriété («titrisation synthétique»). La titrisation synthétique permet aux émetteurs d’exploiter les différences entre le prix des actifs achetés (souvent illiquides) et celui que
les investisseurs sont prêts à payer (si les titres sont diversifiés dans un vaste ensemble d’actifs).

La croissance de la titrisation

La titrisation a beaucoup changé pendant la dernière décennie.

Elle n’est plus liée à des actifs traditionnels assortis de conditions spécifiques comme les hypothèques, les prêts bancaires ou les prêts à la consommation (actifs auto-amortissables). Les progrès de la modélisation et de la quantification du risque, ainsi que la multiplication des données disponibles, ont encouragé les émetteurs à utiliser une gamme plus large de types d’actifs, y compris les prêts
gagés sur biens immobiliers, les créances sur baux financiers et les prêts aux PME. Bien que la plupart des émissions soient concentrées sur les marchés développés, la titrisation a aussi connu un vif essor dans les marchés émergents, où des entreprises et des banques puissantes et bien cotées l’utilisent pour transformer en liquidités disponibles le flux de trésorerie futur provenant des créances à
l’exportation ou les envois de fonds libellés en devises fortes.

Il est probable que les produits titrisés se simplifient à l’avenir.

Après des années où les émetteurs ne constituaient presque pas de réserve pour couvrir une dette titrisée bien cotée, ils feront bientôt face à des changements réglementaires exigeant des charges financières plus élevées et une évaluation plus profonde. Pour relancer les transactions de titrisation et rétablir la confiance des
investisseurs, il faudra peut-être obliger les émetteurs à conserver une participation aux résultats des actifs titrisés à chaque niveau de priorité, et plus seulement au niveau inférieur.

Par Andreas Jobst est économiste au Département des marchés.
monétaires et de capitaux du FMI.

G20 : quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale

G20 : quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale
LE MONDE | 03.04.09
Londres, envoyés spéciaux


Le Groupe des 20 (ou G20) est un forum économique qui a été créé en 1999, après la succession des crises financières dans les années 1990.

Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d’un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays.

Le G20 représente les deux tiers du commerce et de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde).

Les membres du G20 sont représentés par les ministres des finances et les directeurs des banques centrales des 19 pays suivants :

1) Allemagne ;
2) Afrique du Sud ;
3) Arabie saoudite ;
4) Argentine ;
5) Australie ;
6) Brésil ;
7) Canada ;
8) Chine ;
9) Corée du Sud ;
10)États-Unis ;
11)France ;
12)Inde ;
13)Indonésie ;
14)Italie ;
15)Japon ;
16)Mexique ;
17)Royaume-Uni ;
18)Russie ;
19)Turquie.
20)l'Union européenne : L’Union européenne est représentée par le Président du conseil et celui de la Banque centrale européenne, ce qui explique le nom de G20.

Les membres du G8 appartiennent au G20 + 11 pays à économies émergentes.

Des décisions et un signal politique fort.

Le sommet du G20, qui réunissait jeudi 2 avril 2009 à Londres les dirigeants des principales puissances de la planète, a fait coup double.

Le G20 a pris quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale :
- de l'argent,
- de nouvelles règles,
- des institutions internationales renforcées et
- l'admission des pays émergents à la table des pays riches.


Un sujet n'a pas été abordé : les grands déséquilibres monétaires, budgétaires et commerciaux, qui sont aussi à l'origine de la crise. "Je ne vais pas gâcher la fête du G20", grommelle un banquier central.

Jeu collectif des chefs d'Etat et de gouvernements. "Personne n'a eu de volonté de leadership. Tout le monde est dans le même bateau. C'est la nouveauté", a assuré Nicolas Sarkozy. "Il s'agit d'un compromis historique pour une crise exceptionnelle", s'est réjoui la chancelière allemande Angela Merkel.

L'implication du président américain Barack Obama, qui a plus joué les médiateurs que les leaders, les concessions du président chinois Hu Jintao et la présidence du premier ministre britannique, Gordon Brown, ont été décisives dans le succès d'une réunion saluée par les marchés financiers. "Le monde s'est rassemblé pour combattre la récession, pas avec des mots, mais avec des réformes", a saluél'hôte du sommet.

Mobilisation de moyens pour éviter la syncope financière. M. Brown s'est réjoui de pouvoir afficher le chiffre colossal de 1 000 milliards de dollars (745 milliards d'euros) supplémentaires à injecter dans l'économie mondiale. Il ne s'agit pas de plans de relance nationaux supplémentaires, comme en rêvait M. Brown : l'Allemagne et la France n'en ont pas voulu. "Jamais il n'y a eu un tel plan de relance économique coordonné au niveau mondial", a jugé Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI).

Mais il a été décidé de faire plus en mettant à la disposition des pays les plus en difficulté de nouveaux moyens financiers via les organisations internationales.

Le FMI va ainsi voir ses moyens tripler à 750 milliards de dollars. Quelque 250 milliards seront financés par de la création monétaire, en clair la planche à billets.

Mise à l'index des paradis fiscaux et contrôles accrus pour les fonds spéculatifs. Pendant que M. Brown parlait "relance", "croissance", "emploi", M. Sarkozy préférait détailler les mesures les plus techniques prises par le G20, relatives aux contrôles accrus sur les agences de notation et les hedge funds (fonds spéculatifs), ou à la comptabilité.

Les dirigeants du G20 ont également accepté la publication, jeudi même, par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), de la liste des paradis fiscaux non coopératifs, satisfaisant ainsi la demande de la France et de l'Allemagne. Le communiqué final du sommet affirme que "l'ère du secret bancaire est terminée" et que "des sanctions" seront prises contre les centres fiscaux non coopératifs.

Renforcement des moyens et pouvoirs des institutions internationales. Les dirigeants des institutions internationales triomphaient eux aussi. "C'est le grand retour du FMI", se glorifie à plusieurs reprises son directeur général M. Strauss-Kahn.

Les banquiers centraux vont eux voir les pouvoirs de leur Forum de stabilité financière (FSF) renforcés. Cette organisation, invitée à détecter les risques financiers, va devenir "une organisation mondiale de la finance", selon l'expression de M. Sarkozy.

Enfin, le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy a lui aussi tout loisir d'être satisfait : les dirigeants de la planète ont pris rendez-vous en juillet en Sardaigne, dans le cadre du G 7 élargi aux grands émergents, pour débloquer le cycle de négociation commerciale de Doha, lancé en 2001 et enlisé depuis.

Prise en compte de la mondialisation dans les "organes" de décision. Le quatrième grand acquis du sommet concerne les rapports de force sur la planète. "Le G20, ce n'est pas le G7 des pays industrialisés élargi", expliquent les responsables allemands. C'est autre chose, un monde où les pays émergents ont leur place et jouent le jeu.

Le nouveau cercle connaît quelques frictions, lorsque les occidentaux mettent en avant les organisations dont les émergents contestent la légitimité, comme l'OCDE, car ils n'en font pas partie. Mais la Chine, l'Inde, le Brésil ont besoin des consommateurs occidentaux et ne peuvent laisser s'écrouler l'économie mondialisée.

Cela mérite des concessions. Ils ont accepté un renforcement des moyens du FMI sans obtenir immédiatement les droits de vote auquel leur poids économique leur donne droit. Mais c'est promis, cela sera changé d'ici à 2011.

Absence de discussion sur les déséquilibres monétaires, budgétaires. Dans l'euphorie, il est un sujet qui n'a été abordé que du bout des lèvres, celui d'avoir des finances publiques saines à long terme. Les Allemands s'en inquiètent, qui estiment que rien ne sert de faire des dépenses supplémentaires. Au lieu de rétablir la confiance, on va finir par faire réapparaître le spectre de l'hyperinflation.

Le G20 n'a pas non plus parlé taux de changes. "C'était prendre le risque de ne rien obtenir sur la régulation", estime M. Sarkozy, qui compte "se battre" pour le mettre à l'ordre du jour du prochain G20.

Après celle de Washington en novembre 2008 et de Londres, une troisième réunion a été convoquée dans la foulée de la prochaine assemblée générale de l'ONU à New York en septembre. Le temps des G7 est révolu.



Arnaud Leparmentier, Virginie Malingre et Anne Michel

Le Fonds monétaire international placé au centre de la régulation mondiale

Le Fonds monétaire international placé au centre de la régulation mondiale
LE MONDE | 03.04.09 | 14h23


ominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), et son équipe ont gagné. En panne de moyens financiers, de missions et de légitimité il y a seulement deux ans, le Fonds se trouve propulsé par le G20 au poste de superviseur de l'économie et de la finance mondiales. C'est à bon droit que son directeur général a pu, le 2 avril, se féliciter du renforcement du rôle de surveillance du FMI et de la nouvelle "puissance de feu" financière consentis à son institution.


Car les 20 pays les plus puissants du monde ont reconnu la prééminence du Fonds dans la lutte contre la crise en le dotant de nouveaux moyens d'intervention. Le triplement de ses réserves, qui passeront de 250 milliards de dollars à 750 milliards (560 milliards d'euros), lui permettra de faire face même aux effondrements monétaires et financiers de pays de taille moyenne. A ce jour, ses débiteurs se recrutent essentiellement parmi des économies peu développées comme le Malawi ou de petite taille comme l'Islande.

La formule choisie devrait être souple et les pays qui apporteront les 500 milliards de dollars supplémentaires le feront sous la forme de lignes de crédit géantes sur lesquelles le Fonds tirera les sommes nécessaires, comme cela a déjà été décidé, en janvier, pour les 100 milliards de dollars apportés par le Japon.

Autre forme de soutien aux pays étranglés par la crise, le FMI pourra allouer 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) à ces 185 membres qui auront la faculté de se les prêter entre eux s'ils n'en ont pas l'usage.

L'annonce par Gordon Brown de l'autorisation donnée au FMI de vendre 403,3 tonnes d'or n'est pas une nouveauté, puisque cette vente était décidée depuis un an pour en finir avec le déficit récurrent du FMI. Seule la mauvaise volonté américaine bloquait l'opération. La meilleure santé financière du Fonds semble avoir permis d'affecter environ la moitié du produit de cette future vente, soit 6 milliards de dollars, à de nouveaux prêts à des taux très préférentiels réservés aux pays les plus pauvres et dont la balance des paiements et la monnaie seraient en danger.

Après l'argent, les missions. Le FMI a été investi d'un rôle de vigie pour détecter à temps les périls et de supervision renforcée des nouvelles régulations financières. Il conduira cette surveillance de façon "loyale et franche", ce qui signifie qu'il est prié de sermonner même les Etats-Unis si ceux-ci mettaient en péril la planète. Et plus seulement les petits pays. Il partagera cette mission avec le Conseil de stabilité financière (ex-Forum de stabilité financière). Une première simulation de crise sera conduite par le FMI de concert avec ce CSF nouveau d'ici à la fin avril.

Restait le déficit de légitimité du Fonds que critiquaient les pays émergents qui se jugeaient mal représentés dans ses instances. Les réformes des droits de vote décidées en 2008 prévoyaient d'en transférer d'ici à 2014 environ 10 % vers les pays émergents et de tripler les droits de base des pays les plus pauvres. Le principe d'un achèvement de ces améliorations dès 2011 a été arrêté.

Surtout, le G20 a franchi un pas politique significatif que réclamaient à cor et à cri les pays dits "du Sud" mais aussi les organisations non gouvernementales, en mettant fin au traditionnel partage du pouvoir entre les Etats-Unis et l'Europe au sein des institutions de Bretton-Woods. Le directeur général du FMI ne sera plus obligatoirement un Européen ni le président de la Banque mondiale, un Américain. Tous deux seront choisis selon un processus de sélection "ouvert, transparent et basé sur le mérite" et donc dans n'importe quel pays du monde.

Ces deux derniers bastions occidentaux bientôt tombés, rien ne s'oppose plus à ce que les pays en développement reconnaissent la pertinence des conseils, voire des mises en garde d'un FMI plus démocratique et plus soucieux des particularités. Qu'ils acceptent de les appliquer est une autre histoire, puisque le Fonds ne dispose d'aucun pouvoir coercitif autre que l'attribution de ses prêts.



Alain Faujas

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3 217 tonnes d'or et 250 milliards de dollars pour 185 Etats

Création. Le Fonds monétaire international (FMI) est né en juillet 1944 des accords signés entre 45 pays à Bretton Woods (New Hampshire, Etats-Unis), soucieux d'éviter la répétition de la Grande Dépression de 1929.

Vocation. Le FMI s'est vu confier le soin de préserver la stabilité économique du monde par la surveillance, l'assistance technique et les opérations de prêt.

Moyens. Installé à Washington, il compte 185 Etats membres. Il emploie 2 400 salariés et a un budget de 835 millions de dollars, avec un stock d'or de 3 217 tonnes. Il avait jusqu'alors une enveloppe de 250 milliards de dollars pour les pays en péril.

Equilibre politique. Les Européens pèsent pour un tiers des droits de vote, les Américains 16 % et les Chinois moins de 4 %.

jeudi, octobre 23, 2008

La liste des Etats réclamant l'aide du FMI ne cesse de s'allonger

La liste des Etats réclamant l'aide du FMI ne cesse de s'allonger
LE MONDE | 23.10.08

Où s'arrêtera la débâcle provoquée par la crise financière ? Après avoir mis à terre les plus grandes banques d'affaires internationales, gelée des pans entiers du marché du crédit, disloqué l'équilibre du système financier mondial, des pays sont aujourd'hui menacés de faillite.

Depuis mardi 21 octobre, l'Islande, surnommé le "petit tigre de l'Atlantique Nord", avec moins de 2,5 % de chômage en 2007, un produit intérieur brut (PIB) par habitant de 39 400 dollars (31 000 euros), en quasi-faillite, se bat pour obtenir l'aide du Fonds monétaire international (FMI). Mercredi, dix ans après la crise qui avait miné son système financier, les craintes de défauts de paiement de l'Argentine ont ressurgi après que l'Etat eut décidé de nationaliser les fonds de pension investis sur des marchés en pleine déconfiture. Depuis janvier, la Bourse de Buenos Aires a plongé de 56 %.

Le Pakistan, au bord de la banqueroute, réclame aussi au FMI une aide d'urgence. La roupie a perdu 25 % de sa valeur depuis le début de l'année et la Bourse de Karachi 35 %. Selon un rapport de l'organisation internationale, les réserves en devises étrangères du pays couvrent ses besoins pour seulement six semaines.

L'Ukraine négocie aussi auprès du FMI un prêt qui pourrait atteindre 14 milliards de dollars. Le FMI reconnaît aussi être en discussions avec la Hongrie et a engagé, jeudi, des négociations avec la Biélorussie. La Croatie, l'Albanie, la Macédoine, sont aussi en sérieuses difficultés."Et la Serbie peut-être aussi", ajoute un économiste.

Comment en est-on arrivé là ? La plupart de ces Etats, n'ont pas, ou peu, investi dans les crédits toxiques, les fameux subprimes à l'origine des turbulences mais sont emportés par les nouveaux développements de la crise.

"DES ÉCONOMIES EN ÉTAT DE SURVIE"
Tétanisés par la crainte d'une récession mondiale, les grands investisseurs internationaux rapatrient leurs avoirs pour les mettre en lieu sûr. Dans les pays concernés ces sorties de capitaux, brutales, affaiblissent les banques et les monnaies locales. Lorsque ces Etats sont endettés en devises étrangères, en dollar ou en euro, par exemple, la dette nationale gonfle alors mécaniquement. "C'est ce qui s'est passé en Hongrie et c'est ce qui arrive aussi dans les pays Baltes", commente un économiste du FMI.

En Hongrie, pour stopper le plongeon du forint (de 48 % par rapport au dollar et depuis mi-juillet) la banque centrale a même dû se résoudre, mercredi, à augmenter son taux directeur de 8,5 % à 11,5 %. Un paradoxe en temps de crise car une telle initiative contribue à ralentir la croissance. "Le pays n'a pas le choix, l'urgence est de stopper les attaques spéculatives sur le forint", explique Zsolt Darvas, économiste au centre Bruegel.

Pour les pays les plus fragiles la situation devient explosive. Pour se renflouer les gouvernements doivent émettre des titres de dettes sur le marché. Mais les acheteurs ne se pressent pas, considérant les obligations de pays émergents comme des "junk bonds", des obligations pourries. Autrement dit, ils redoutent que ces pays ne fassent faillite et d'avoir sur les bras une version moderne des redoutables "emprunts Russes".

Les pays les moins endettés, ceux qui ont accumulé grâce à leur commerce extérieur, leur manne pétrolière ou leurs ressources en matières premières ont assez de réserves de changes et ont de quoi tenir quelques années. Ceux qui se sont endettés en monnaie locale comme l'Argentine peuvent, dans une certaine mesure "faire marcher la planche à billet" pour se financer. Mais les autres n'ont d'autres choix que d'appeler à l'aide internationale.

Le FMI dispose d'une enveloppe de 200 milliards de dollars pour aider ces pays. Certains redoutent que cela ne suffise pas. La crise n'est pas finie et la liste des Etats en danger risque de s'allonger. "De plus en plus d'économies sont en état de survie il faut renforcer d'urgence les moyens du FMI", juge ainsi Olivier Pastré, professeur à Paris-VIII.

Claire Gatinois et Yves Mamou
Article paru dans l'édition du 24.10.08

mardi, octobre 02, 2007

Argentine, Brésil, Mexique : modernisation et nouvelles vulnérabilités ?

Argentine, Brésil, Mexique : modernisation et nouvelles vulnérabilités ?
Par Pierre Salama, Economiste, Professeur Université de paris XIII, dernier ouvrage paru : Le défi des inégalités, une comparaison économique Amérique latine/Asie, éditions La Découverte, 2006.

Le Mexique, Le Brésil et l’Argentine ont connu des années trente aux début des années quatre vingt une croissance, parfois substantielle, tirée par l’essor du marché intérieur. Vingt cinq ans plus tard, avec la crise de la dette et les différentes politiques d’ajustement, c’est une nouvelle Amérique latine qui émerge dans les années 2000. Les structures productives ont évolué, elles diffèrent profondément les unes des autres.

par Pierre Salama

30 septembre 2007

La libéralisation de leurs marchés a-t-elle été un succès en terme de croissance, de modernisation, de vulnérabilité, de meilleure cohésion sociale ? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre. Evidemment les réponses dépendent du sens donné aux mots. Quand on parle de croissance, s’agit il uniquement du taux de croissance du Pib ou bien doit on également considérer d’autres aspects : volatile, distributive, durable ? La vulnérabilité est-elle limitée seulement au taux d’ouverture et au ratio service de la dette sur Pib ou doit on prendre en considération les comportements plus ou moins rentiers liés aux aspects négatifs de la financiarisation susceptibles de générer de nouvelles vulnérabilités ? La modernisation est-elle mesurée selon des critères qu’affectionnent les « économistes de Davos » prenant en compte des indicateurs de libéralisation, ou bien est elle confinée à des indices simples comme les succès à l’exportation ? Nous montrerons dans cet article que la croissance est faible et exclue une part importante de la population de ses effets bénéfiques, que la vulnérabilité a profondément changé et que la modernisation est effective dans certains pays mais qu’elle est très en deça de ce qui est nécessaire pour répondre aux défis de ce nouveau millénaire.

I. D’une gestion de la dette à la gestion de ses effets

Le principal problème auquel sont confrontés la plupart de ces pays est la financiarisation. Elle a un lien avec la dette. La financiarisation est à la fois le produit de la gestion de la dette externe, de la dette interne qu’elle génère, et des mutations du système financier au niveau mondial. Contrairement à d’autres pays, la finance déploie principalement, mais non exclusivement, sa face négative, perverse et tend à renforcer des aspects rentiers dans le comportement des investisseurs. Le taux de formation brute de capital fixe se situe à un niveau modeste, la croissance sur longue période est faible, la volatilité de celle-ci est relativement élevée. La dette et sa gestion ne sont pas sans rapport avec l’essor de la financiarisation. Si la première n’est pas la principal problème aujourd’hui, les effets qu‘elle a généré le sont. Plus exactement, la financiarisation est à la fois le produit de la gestion de la dette externe, de la dette interne qu’elle génère, et des mutations du système financier au niveau mondial.

1. La crise de la dette éclate à l’aube des années quatre vingt.

Le Mexique ne peut plus financer le service de sa dette en 1982 et, de ce fait, emprunter sur les marchés financiers internationaux. Cette mesure s’étend à l’ensemble des pays en voie de développement, y compris la Corée du sud fortement endettée à cette époque. Les crédits internationaux sont alors délaissés par les banques au profit de l’émission de bons auxquels n’ont pas accès ces pays. Les seuls crédits consentis à ces pays seront « des crédits involontaires » ainsi nommés pour souligner qu’ils font suite à un accord signé entre un pays débiteur et le Fond Monétaire International (FMI). Ces accords (« lettre d’intention ») prévoient un ensemble de mesures draconiennes mêlant des mesures pragmatiques à des mesures d’inspiration libérales : une diminution des dépenses de l’Etat, une maxi dévaluation, une montée du protectionnisme afin de dégager des excédents commerciaux suffisants pour au moins financer une partie conséquente du service de la dette externe (le paiement des intérêts surtout).

Dorénavant, les pays endettés doivent financer une part importante du service de leurs dettes, essentiellement le paiement des intérêts, à partir de leurs propres ressources, l’autre part, l’amortissement du capital emprunté, étant elle l’objet des « crédits involontaires ». En pourcentage du Pib, la ponction subie au titre du service de la dette représente davantage que celle imposée à l’Allemagne vaincue par le traité de Versailles. Il sera de l’ordre de 2 à 7% du Pib selon les années et les pays. Une telle ponction ne pouvait pas être sans effet. Le résultat a été désastreux du point de vue économique et social. Les années quatre vingt ont été qualifiées par la CEPAL de "décennie perdue". La très grande majorité des économies latino-américaines connaît alors dans le meilleur des cas une stagnation et dans le pire des cas, plus fréquent, une régression importante du PIB par tête. L’inflation prend de l’ampleur et plusieurs de ces pays souffrent d’une hyperinflation durable. La pauvreté s’étend de manière insoutenable, elle devient plus en plus « dangereuse », après l’éclatement d’émeutes (au Venezuela par exemple où elles ont pris un caractère tragique), de gigantesque mobilisations dans plusieurs pays (le nao au Brésil). Les Etats-Unis cherchent à inventer une nouvelle manière de gérer la dette. C’est insuffisant, une seconde phase s’annonce, celle qu’on qualifiera du « Washington Consensus ».

2. Les principaux objectifs du Washington Consensus (WC, 1990) étaient que les pays puissent éradiquer l’hyperinflation, retrouver une certaine croissance, et assurer le service de leur dette externe. Il se présente sous forme de dix commandements autour d’un fil conducteur : la libéralisation des marchés.

Les « dix commandements », tels qu’ils ont été reformulés en 2000 par Williamson , sont :

  • 1. une discipline fiscale ;
  • 2. une réorientation des dépenses publiques visant à améliorer les dépenses d’infrastructure, de santé, d’éducation, centrés sur les besoins de base et ce au détriment, d’une intervention de l’Etat dans le secteur économique ;
  • 3. une réforme de la fiscalité à partir d’un élargissement de l’assiette fiscale et une baisse des taux d’imposition ;
  • 4. la libéralisation des taux d’intérêt avec l’abandon des taux préférentiels afin d’éliminer la « répression financière » et d’améliorer grâce à une hausse des taux d’intérêt la sélection des investissements ;
  • 5. un taux de change compétitif sans qu’il soit clairement indiqué si celui-ci devait être fixe ou flexible ;
  • 6. la libéralisation du commerce extérieur grâce à la baisse drastique des droits de douane, la fin des contingentements et l’abandon des autorisations administratives ;
  • 7. la libéralisation des investissements étrangers directs, c’est à dire l’abandon des procédures administratives, lourdes et coûteuses, d’autorisation des rapatriement des profits, des dividendes et autres « royalties » ;
  • 8. la privatisation des entreprises publiques ;
  • 9. l’abandon des réglementations dont l’objectif était d’instituer des barrières à l’entrée et à la sortie,favorisant les monopoles et diminuant la mobilité ;
  • 10. la garantie enfin des droits de propriété.

L’orientation cette fois est franchement libérale. Il ne s’agit plus de limiter les dépenses publiques, mais de privatiser, de libéraliser l’ensemble des marchés à l’exception toutefois du marché des changes. La fixité du change par rapport au dollar (ancrage) a été choisie 1 allant d’un système dit de peg (mini dévaluation pour atténuer l’appréciation du taux de change réel) allant jusqu’au currency board (fixité absolue, convertibilité interne et externe, émission de monnaie locale en rapport avec les entrés nettes de capitaux. La libéralisation du marché du travail n’était pas non plus explicitement énoncée mais celle des autres marchés incitait à prendre des mesures vers plus de flexibilité dans le travail. Ce qui fut d’ailleurs fait, parfois partiellement.

L’application des « dix commandements » du WC est à la fois un succès et un échec. Un succès parce que la hausse vertigineuse des prix cesse, certains pays comme l’Argentine connaissant même des périodes de déflation, la croissance reprend, parfois vivement, mais le plus souvent modestement, la pauvreté baisse dans un premier temps. Les pays semblent parvenir à payer le service de leur dette grâce à l’entrée de capitaux (investissement en portefeuille, investissements directs) malgré un déficit important de leur balance commerciale. Un échec, parce que dans un premier temps le déficit de la balance commerciale tend à devenir insoutenable, la pauvreté, après avoir fléchi, se stabilise à un niveau élevé, les crises financières enfin sont récurrentes. Elles sont la manifestation des besoins de financement croissants (le déficit commercial parait insoutenable au Mexique par exemple en 1995), de la perte de confiance des investisseurs nationaux et internationaux (partant du Mexique, la crise s’irradie à plusieurs pays dont l’Argentine). Ces crises expriment la perte de confiance dans la monnaie nationale mais aussi la vulnérabilité nouvelle de ces économies aux crises se développant dans d’autres continents (Asie, Russie). Enfin la modernisation des économies tarde à produire des effets positifs : les exportations croissant, certes plus vite que le Pib, mais moins rapidement que les importations.

L’ensemble des mesures de libéralisation produit une mutation de ces économies : tout en restant relativement fermées (à l’exception du Mexique qui devient une économie ouverte), elles s’ouvrent relativement à « l’économie monde ». Le rythme de cette ouverture n’excède cependant pas la croissance des exportations mondiales, sauf au Mexique, mais il est supérieur à celui de leur Pib. Leurs structures productives changent. Certaines économies se primarisent 2, mettant en jachère des pans entiers de leurs industrie (Argentine), d’autres cherchent à développer les exportations de produits industriels assemblés, avec très peu de valeur ajoutée, créant des emplois mais sans effet d’entraînement sur le tissu industriel (Mexique), d’autres enfin n’abandonnent pas leur industrie, mais procèdent à une « desubstitution des importations » en favorisant l’importation de segments de ligne de production autrefois produits localement, grâce à la libéralisation du commerce extérieur et au quasi abandon d’une politique industrielle (Brésil).

3. L’incapacité de promouvoir une croissance conséquente avec peu de volatilité, de réduire de manière significative la pauvreté absolue, les difficultés enfin à réagir à la volatilité des marchés financiers internationaux, conduiront à une « nouvelle version » du WC centrée cette fois sur la nécessité de trouver de « bonnes institutions ». Progressivement, à ces dix commandements seront ajoutés dix autres « commandements » allant d’une libéralisation accrue du marché du travail à l’indépendance de la Banque centrale en passant par une gestion plus prudente de la libéralisation des mouvements de capitaux. Nous en retiendrons deux : le système de change et la lutte contre la pauvreté.

a. La préférence pour des changes fluctuants est fortement suggérée, sans intervention de la Banque centrale. Les dangers hyperinflationnistes ayant disparu, les crises de la fin des années quatre vingt dix sont l’occasion de mettre un terme aux taux de change fixes et d’opter pour des taux de change flottants évoluant librement selon l’évolution des offres et des demandes de devises. Dans la pratique, ceux-ci ne sont pas totalement libres. En effet, après une dévaluation et lorsque la crédibilité auprès des marchés financiers internationaux s’améliore, l’entrée de capitaux au titre des investissements en portefeuille et des investissements directs tend à compenser les déficits de la balance des comptes courants et les sorties de capitaux au titre du remboursement du principal de la dette externe. Les réserves augmentent et la monnaie nationale tend à s’apprécier 3, ce qui peut conduire la Banque centrale, dont l’indépendance vis-à-vis des gouvernements est relative, à intervenir pour contrecarrer cette tendance 4.

b. Le dernier « commandement », la lutte contre la pauvreté, est à l’origine d’un projet plus ambitieux, dit du Millenium. Celui ci a pour objectifs une réduction drastique du niveau de pauvreté extrême, une amélioration de la santé, de l’éducation et de l’environnement 5, une harmonisation de l’aide vis-à-vis des pays les plus pauvres en tenant compte surtout des critères de bonne gouvernance, une diminution du protectionnisme de facto des pays les plus riches et un meilleur accès de leur marché pour les pays pauvres. L’ensemble de ces objectifs revêt un caractère important.

Les résultats en ce qui concerne la réduction de la pauvreté sont mitigés : le Brésil semble en bonne voie de l’atteindre, grâce surtout aux effets positifs de la disparition de l’hyper inflation en 1994-1995 et à deux programmes sociaux, le premier instituant une retraite pour les travailleurs ruraux, le second faisant bénéficier les famille pauvres d’une aide (« bourses familles ») d’environ une trentaine de dollars par mois ; le Mexique se rapprochera de l’objectif fixé ; l’Argentine aura des difficultés à l’atteindre à cause de l’explosion de la pauvreté en 2002 atteignant 57% de la population et ce malgré une croissance à des « taux asiatiques » depuis 2003.

II Mutations et nouvelles vulnérabilités

1. La marginalisation des économies latino américaines s’accentue

Alors que de nombreuses économies asiatiques connaissent des taux de croissance très élevés et des mutations substantielles de leur système productif, les économies latino américaines accentuent relativement leurs retards. Ce n’est pas la gestion de dette qui a crée cette marginalisation, elle n’a fait que l’accentuer. En effet, la marginalisation économique des principaux pays d’Amérique latine vient de loin. Leur déclin relatif n’a pas été le même pour tous les pays. L’Argentine est un cas extrême : Alors qu’en 1913 le revenu par tête de l’Argentine correspondait à 65% de celui des britanniques, en 1945 il se situait encore à 60% pour passer à 39% en 2001. La comparaison avec le revenu par tête des espagnols est encore plus édifiante : 393% en 1913, 290% en 1945 et 51% en 2001. Le revenu par tête des argentins est passé ainsi du quintuple de celui des espagnols à un peu plus de la moitié 6…Mais si elle vient de loi, elle a cependant son point d’orgue en 1976 (coup d’état) et en 1998-2002. L’évolution des principales économies latino-américaines, sans être aussi caricaturale, traduit un déclin relatif. Le Pib par tête moyen des de l’ensemble des pays latino américains 7 correspondait à 18% de celui des pays du G7 en 1960, 16% en 1980 et 12% approximativement en 2000 selon les calculs de G.Palma (2005, op.cit.). Le Pib par tête du Mexique par rapport était autour de 16% de celui des pays du G7 en 1960 et après une chute prononcée dans les années quatre vingt, il atteint 12% en 2000. Le Pib par tête du Brésil était plus ou moins équivalent de celui de la Corée du sud entre 1967 et 1977, en pourcentage de celui des pays de l’Ocde, il décline ensuite alors que celui de la Corée progresse fortement : 13% du Pib par tête des pays de l’Ocde en 2000 pour le Brésil contre 44% pour la Corée. Le déclin relatif est donc net.

Dans les années quatre vingt dix, la croissance est plus ou moins élevée mais dans l’ensemble faible en raison de la volatilité des économies et se caractérisent par une tendance à la stagnation. Celle-ci s’explique surtout par des comportements rentiers des investisseurs alimentés par leurs préférences en faveur d’une consommation élevée et des orientations de l’épargne vers des placements financiers. Dans l’ensemble les taux d’investissement 40% inférieurs à ceux qu’on observe dans les économies asiatiques. A la différence des pays occidentaux où la finance a deux faces, une positive, l’autre négative, en Amérique latine, l’essor de la finance, avec la libéralisation des marchés, a surtout favorisé les aspects négatifs. Dans l’ensemble le financement des investissements par le système bancaire et le crédit à la consommation restent en pourcentage du Pib très faible même s’il a tendance à augmenter. Au Brésil s’institue un cercle vicieux banque – Etat au détriment des entreprises : les banques, attirées par les taux d’intérêt très élevés, achètent essentiellement des bons du Trésor émis par l’Etat pour financer sa dette interne, et cherchent à développer des crédits de court terme à la consommation à des taux très lucratifs. Les entreprises financent une partie de leur capital circulant grâce à des emprunts très onéreux et financent leurs investissements par l’autofinancement, le recours aux marchés financiers pour les plus importantes d’entre elles, des emprunts subventionnés auprès de la Banque de l’Etat. Il ressort de cela une nouvelle tendance à la stagnation économique qui jure par rapport à l’essor économique que les économies asiatiques connaissent.

Les parcours économiques de ces trois pays depuis la début du millénaire ne sont pas les mêmes : l’Argentine connaît un boom économique depuis 2003 après avoir connu depuis 1999 une récession et sa mutation en une crise extrêmement profonde en 2002, un surplus primaire conséquent de son budget 8, une balance commerciale fortement excédentaire et une balance des comptes courants positive, une diminution de son taux de pauvreté, une distribution des revenus qui reste quasiment aussi inégale qu’elle l’était devenue dans les années quatre vingt et quatre vingt dix, une hausse encore modérée de son taux d’inflation. Cependant, même si on observe une forte reprise des investissements dans le secteur industriel et un début de substitution des importations, l’économie reste encore fortement primarisée.

Le Brésil conserve en moyenne un taux de croissance faible, mais obtient une nette amélioration de sa balance commerciale. Celle-ci devient fortement positive ce qui conduit à un solde positif de sa balance des comptes courants. A la différence de l’Argentine, son appareil de production, modernisé, moins intégré que par le passé grâce à une ouverture plus importante et à l’importation plus massive de biens d’équipement, reste le socle de l’essor de ses exportations, même si une partie importante de l’essor de celles-ci s’explique par la croissance de ses exportations de matière premières, en général plus transformées qu’en Argentine. L’essor des exportations et le solde fortement positif de sa balance commerciale compense la baisse relative des investissements étrangers directs qui toutefois restent à un niveau élevé, inférieur de moitié à ce qu’ils étaient à l’époque de privatisations massives de la fin des années quatre vingt dix. Le besoin de financement externe baisse, le service de la dette externe en terme du Pib, ou bien en termes des exportations, chute. La vulnérabilité du Brésil se situe sur un autre plan : l’endettement interne augmente considérablement, du en grande partie à des taux d’intérêt réels parmi les plus élevés du monde. Le surplus primaire est à un niveau élevé en pourcentage du Pib, les inégalités ne diminuent pas ou faiblement et restent parmi les plus élevées du monde d’un point de vue global. Lorsqu’on entre dans le détail on constate cependant une déformation de la courbe de Lorentz : les cinq pour cent les plus riches polarisent davantage de revenus, les plus pauvres également et connaissent une amélioration relative, les couches moyennes pâtissent de ces évolutions.

Le Mexique, quant à lui, connaît également un taux de croissance médiocre de son Pib. Celui-ci s’explique en grande partie par la dépendance accrue et quasi exclusive de la conjoncture nord américaine. Le Mexique, fait partie de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord. Culturellement il est latino, économiquement, nord américain. Son commerce extérieur est à plus des quatre cinquièmes dirigé vers le Etats-Unis et le Canada, le dernier cinquième se partage entre l’Asie l’Europe et l’Amérique centrale et du sud. ll entretient donc très peu de relations commerciales avec l’Amérique latine. Aussi lorsque la conjoncture nord américaine décline, le Mexique souffre, ce qui a été le cas au début des années 2000. La spécialisation industrielle s’est orientée de plus en plus vers le développement des industries d’assemblage (les « maquilladoras ») avec très peu d’intégration locale et donc très peu d’effets d’entraînement. Le Mexique est le seul des trois grands pays à conserver un déficit conséquent de sa balance commerciale. Pour autant, l’essor des exportations a été très important, l’économie est la plus ouverte des trois 9 et le résultat est qu’apparemment, en pourcentage de ses exportations, le service de sa dette externe chute fortement. Pour autant une grande partie de ses exportations industrielles dépend de ses importations, si bien que le choix de cet indicateur pour mesurer sa vulnérabilité externe est moins pertinent que pour les deux autres pays.

2. La libéralisation imposée par les différentes générations de politique d’ajustement structurelle a modernisé une partie de l’appareil de production

Les effets de ces politiques n’ont pas été immédiats. Très souvent des pans entiers de l’industrie ont disparu. Ceux qui ont « résisté » avaient un niveau de productivité suffisant pour faire face à la concurrence externe, ont connu une croissance de leur productivité du travail importante. Cette nouvelle compétitivité a pu être « aidée » au début par les maxi dévaluations, mais c’est fondamentalement la modification des techniques de production (facilitée par l’importation de biens d’équipement incorporant le progrès technique à des coûts réduits grâce à la baisse des droits de douane et à l’appréciation de la monnaie nationale) et de la manière de produire (modification de l’organisation du travail avec davantage de flexibilité de main d’oeuvre) qui expliquent le retournement de la balance commerciale au Brésil et la dynamisation de l’exportation de ses produits manufacturés. Cela étant, les analyses de Lall (2004), Palma (2005) ont montré que la montée des exportations de produits industriels concernait surtout des produits de moyenne et basse technologie à la différence des pays asiatiques où on observe une croissance plus rapide des produits de moyenne et haute technologie 10.

La montée en puissance de la modernisation est donc réelle mais insuffisante par rapport à la structuration et l’évolution du commerce international, ciblée de plus en plus sur l’achat – vente de produits à haute technologie. Ce décrochage relatif est la conséquence logique des comportements rentiers que nous avons évoqués.

Plus précisément, dans les années quatre vingt dix et suivantes, l’écart entre la croissance de la productivité et la croissance atone des salaires s’accentue. On pourrait penser que la distribution des fruits de la hausse de la productivité aux seuls profits pourrait permettre une hausse de la formation brute du capital et une croissance plus soutenue dont les salariés bénéficieraient à terme. Une telle séquence, à la Schmidt (« les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après demain ») serait légitime pour certains économistes. Le problème est que cette distribution des hausses de la productivité aux seuls profits ne conduit pas ou peu à une hausse du taux d’investissement. Celui-ci reste à un niveau relativement médiocre et la croissance au total n’est pas élevée sur moyenne et longue période. L’ensemble des profits du secteur non financier augmente, mais en son sein la part des profits versée au secteur financier croit plus rapidement que celle consacrée aux investissements productifs. Ces derniers progressent insuffisamment pour alimenter une forte croissance, mais suffisamment pour conduire à un décrochage de l’évolution des salaires par rapport à la productivité. Les inégalités augmentent 11. La contrainte pour les entreprises non financières tient de la quadrature du cercle : elles doivent dégager des profits en forte croissance pour alimenter toujours plus le très fort « appétit » de la finance. Ceci explique leur réticence à faire bénéficier leurs salariés de la hausse de la productivité. Mais cette hausse de la productivité trouve des limites parce que le taux d’investissement croit peu et que la part consacrée à la recherche et développement est des plus réduites 12. Ces limites sont en partie surmontées par l’importation de biens d’équipement up to date et des modifications dans l’organisation du travail, mais elles demeurent pour l’essentiel et grèvent les possibilités à moyen terme de poursuivre cette dynamique en faveur dus seul secteur financier. En ce sens la vulnérabilité de ce régime de croissance est nouvelle. Miné par les côtés négatifs de la finance, il ne peut que soit péricliter en accentuant encore plus les inégalités de revenus, soit, par un nouvel arbitrage entre la finance et l’industrie, dépasser cette contradiction, ce qui passe par une redéfinition du rôle de l’Etat.

3. La vulnérabilité de ces économies diminue et augmente selon les critères retenus

Limitée aux seuls critères des ratios service de la dette sur Pib, elle a diminué de manière incontestable. Cette réduction s’explique surtout par l’ouverture plus prononcée de ces économies : selon la Banque mondiale (WDI,2006) le degré d’ouverture du Brésil était de 11,7% en 1990 et atteint en 2004 26,9%. En Argentine et au Mexique les données sont respectivement 11,6% et 32,1% en 1990, 37,1% et 58,5% en 2004. Cette vulnérabilité diminue également grâce à la venue de soldes positifs de la balance des comptes courants au Brésil et en Argentine, du maintien à un niveau au Brésil des investissements étrangers directs , de l’essor très prononcé au Mexique des transferts des mexicains de l’étranger (20 milliards de dollars en 2005), par le poids moins important qu’au début des années quatre vingt dix des capitaux spéculatifs à court terme dans l’ensemble des entrées de capitaux.

Lorsqu’on considère d’autres critères, le diagnostic change. La très forte ouverture aux investissements directs produit déjà des sorties de capitaux au titre des dividendes versés, des profits rapatriés, considérable dont la progression est très élevée. Comme parallèlement ces capitaux ont tendance à se localiser de plus en plus dans les services au détriment relatif de l’industrie (sauf au Mexique), ils contribuent moins que par le passé à l’essor des exportations. Les comportements rentiers expriment une très forte sensibilité des investisseurs à la finance. Or le secteur financier est très sensible aux mouvements spéculatifs et les montants fuyant un pays peuvent être considérables, dans un délai très bref. Cette sensibilité exacerbée se répercute avec un effet de levier considérable sur le secteur réel. Donnons quelques exemples : lorsqu’on augmente sensiblement les taux d’intérêt afin de freiner la sortie de capitaux et de l’inverser, l’effet premier de cette hausse brutale est de rendre les crédits excessivement chers, d’augmenter le service de la dette interne de l’État et, ce faisant, de rendre plus difficile la réduction promise de son déficit ; et enfin, très rapidement, de provoquer une récession si ce n’est une accentuation de la crise dans le secteur réel. Nous sommes donc en présence de ce qu’on pourrait appeler un phénomène d’overshooting du secteur financier sur le secteur réel.

Conclusion

Il y a pas ou peu de relations entre les réformes entreprises et les succès ou les échecs économiques. Certains pays en développement ont réalisé de réformes importantes et ont obtenu surtout des effets pervers, d’autres ne les ont par réalisées et ont obtenu des succès économiques qui leur permettent à présent de commencer à en réaliser certaines. C’est à partir d’un tel constat que certains économistes (Hausmann, Rodrik, Velasco par exemple), participant très souvent à des recherches financées par les institutions internationales, préconisent de changer de stratégies. Au lieu de promouvoir des réformes d’ensemble, supposées a priori bénéfiques, mieux vaut selon eux, partir d’un diagnostic précis des obstacles à la croissance et choisir parmi les réformes possibles celles qui atténuent les plus importants d’entre eux et ont le plus grand effet en terme de croissance. En paraphrasant C.Fuentes, on pourrait ajouter que moins de dogmatisme, d’a priori et un peu plus de pragmatisme, auraient permis d’éviter « tant de violence contre les faibles, au nom du droit et tant de justice envers les puissants, au nom de l’impunité »...

Bibliographie sommaire

Hausmann R, Rodrik D et Velasco A (2006), « Growth Strategies » Working paper, Université d’Harvard.
Palma G.– (2005), « Flying-geese and lame-ducks : regional powers and the different capabilities of Latin America and East Asia to demand-adapt and supply-upgrade their export productive capacity », Cambridge University, working paper, publié en grande partie dans la revue Tiers Monde, 2006.
Palma G – (2005), “The seven main stylised facts of the Mexican economy since trade liberalization and Nafta”, revue Industrial and Corporate Change
Lall S. (2004), « Reinventing industrial strategy : the role of government policy in building competitiveness », G-24 Discussion Paper Series, United Nations, New York.
Lall S, Weiss J et Zhang J (2006), « The sophistication of exports : a new trade mesasure », World Development vol.34, N° 2
Salama P (2006), Le défi des inégalités, une comparaison économique Amérique latine/Asie, éditions La Découverte, 2006
SOLIMANO A. et SOTO R. (2005), « Economic growth in Latin America in the late 20th century : evidence and interpretation », CEPAL, Macroeconomia del desarollo, n° 33,

Tableaux

Tableau 1.– Les taux de croissance du PIB en Amérique latine, 1994-2005 (en %, à prix constant de 1995)

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Argentine 4,4 –4,1 4,1 6,6 2,5 –4,6 –1,9 –5,4 –11,7 7,7 9,0 9,2
Brésil 4,7 2,7 1,0 1,6 –1,2 –0,4 2,4 –0,2 0,1 –1,2 4,9 2,5
Mexique 2,5 –7,8 3,6 5,0 3,4 1,9 5,1 –1,8 –0,7 –0,9 4,4 3,9
Amérique latine 3,4 –0,6 2,1 3,4 0,6 –1,1 2,1 –1,1 –2,1 0,5 5,9 4,3

Source : CEPAL, Annexe statistique, 2005 (et ° FMI, World Economic Outlook, 2005).

Tableau 2.– Fréquence des crises économiques en Asie et en Amérique latine (1960-2002)

Nombre d’années à taux de croissance négatif du PIB entre 1960 et 1980 Nombre d’années à taux de croissance négatif du PIB entre 1981 et 2002 Nombre d’années à taux de croissance négatif du PIB entre 1960 et 2002 Pourcentage d’années de crise de 1960 à 2002
Argentine 6 11 17 42 %
Brésil 3 9 12 29 %
Mexique 0 8 8 20 %
Corée 2 1 3 7 %
Thaïlande 0 2 2 5 %

Source : Solimano et Soto, 2005, à partir des données de la Cepal et du FMI.

notes articles:

1 Comme l’ont fait remarquer de nombreux économistes, la recherche d’une crédibilité accrue auprès de marchés financiers passait par l’instauration d’un change fixe. La raison est simple : en période d’hyperinflation, la variable clé est le taux de change, plus exactement le taux de change au parallèle. La variation de l’écart entre le taux de change parallèle et le taux de change officiel se transmet quasi automatiquement aux prix. Dès lors la stabilisation des prix passe à la fois par la confusion entre change parallèle et change officiel obtenu grâce à la libéralisation du marché des changes, et par la crédibilité du nouveau taux de change obtenue elle par une politique de big bang de libéralisation de l’ensemble des marchés. Dans ce contexte, annoncer un taux de change fluctuant, c’était transmettre un message peu claire sur la volonté de freiner l’inflation. Nous avons longuement développé ces mécanismes, voir nos articles dans notre page web : http://perso.orange.fr/pierre.salama/

2 On appelle « primarisation de l’économie » un processus qui vise à une spécialisation vers des l’abondance relative des ressources naturelles. Le premier pays à être revenu vers ce type de spécialisation respectant les dotations relatives des facteurs de production est le Chili de Pinochet. L’Argentine, avec les gouvernements Menem, détruit en grand partie son industrie, devenue il est vrai obsolète avec la crise des années quatre vingt, et opte pour une spécialisation portant sur des produits primaires, d’origine agricole, peu transformés et énergétiques au détriment de son industrie.

3 C’est une caractéristique des systèmes de change en Amérique latine : entre deux crises financières, que le change nominal soit fixe ou libre, le change réel tend à s’apprécier et les changes libres à être « sales ».

4 Celle ci est renforcée lorsque la balance commerciale devient fortement excédentaire comme c’est le cas aujourd’hui du Brésil et de l’Argentine. On peut observer cependant des comportements différents en Argentine et au Brésil. En Argentine, le gouvernement cherche à éviter une trop forte appréciation de sa monnaie, considérant que les pays à monnaie sous appréciée en plus de chance de maintenir une croissance forte, ainsi qu’on peut l’observer en Asie. Au Brésil, le gouvernement, via la banque centrale, laisse davantage la monnaie s’apprécier, considérant que celle-ci fait partie de la lutte contre l’inflation, espérant ainsi à la fois obtenir une baisse du spread pour ses emprunts internationaux, un remboursement moins onéreux exprimé en monnaie nationale et une incitation plus forte à l’entrée de capitaux.

5 L’objectif phare consiste à réduire ce niveau de pauvreté absolue de 1990 de moitié d’ici à 2015. Les autres visent à améliorer la santé : baisser des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, des trois quart le taux de mortalité des femmes lors de l’accouchement, combattre le SIDA et les épidémies-, l’éducation : faire en sorte que les enfants de sept à quatorze ans des deux sexes puissent suivre un enseignement de base, promouvoir l’égalité hommes femmes à tous les niveaux d’enseignement…voir l’ensemble de ces mesures dans World Development Indicators, World Bank, 2006

6 Voir Clarin du 24/05/206. Pour une étude comparative du déclin relatif de l’Amérique latine et de manière plus prononcée de l’Argentine, voir G.Palma (2005), publié en grande partie dans la revue Tiers Monde, 2006.

7 Plus précisément, les calculs sont effectués à dollar constant (1995) et concernent 11 pays, soit L’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Costa Rica, la Colombie, la Jamaïque, le Mexique, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela.

8 Le surplus primaire du budget est la différence entre les recettes et les dépenses publiques hors celles finançant le service de la dette tant interne qu’externe. Le solde du budget, une fois comptabilisées ces dépenses est faiblement négatif.

9 Le ratio d’ouverture mesuré par l’ensemble importation plus exportations sur Pib passe de 32,1% en 1990 à 58,5% en 2004 au Mexique contre 11,7% et 26,9% au Brésil et 11,6% et 37% en Argentine entre les mêmes dates. La comparaison avec la France est intéressante : 36,4% et 44,7%. Voir World Development Indicators op.cit, pages 315 et suivantes.

10 La classification pourrait prêter parfois à confusion dans le cas du Mexique. Ce pays exporte des produits à haute technologie si on s’en tient à la classification CTCI. Mais en réalité il s’agit surtout d’une production qui se limite à de l’assemblage avec peu d’effets d’entraînement vis-à-vis des de l’industrie locale en raison d’un degré d’intégration extrêmement faible. C’est la raison pour laquelle Lall et alii (2006) proposent d’introduire d’autres critères dont l’un est lié à la valeur ajoutée produite. Sur ces questions voir également Palma (2005).

11 Nous avons développé cet aspect dans Le défi des inégalités…op.cit.

12 Dans l’ensemble, recherche publique incluse, les dépenses en recherche développement dans ces pays se situent entre 0,4 et 0,6% du Pib contre plus de 3% en Corée du sud.


lundi, juin 11, 2007

Microfinances en Guinée

Quelle stratégie pour les microfinances en Guinée ?


M.Cyrille Tanoué, du Réseau Africain des Microfinances ( de l'arcronyme anglais AFNIM) vient de séjourner à Conakry dans le cadre d'une évaluation de l'Association Professionnelle des Institutions de Mircrofinances de Guinée (APIM-Guinée). Le 7 juin, en compagnie de M.Tidiane Dandia Barry,Directeur Général de PRIDE-Finance, il a donné une conférence de presse dans les locaux d'APIM-Guinée, à Belle Vue, commune de Ratoma.

Au cours de cette conférence de presse plusieurs sujets ont été abordés. M. Cyrille Tanoué a noté qu'il ressort d'un constat d'ensemble que la microfinance est en phase d'émergence en Guinée.
« Il y a une volonté affichée des acteurs à faire avancer le secteur, mais il n'existe pas une stratégie nationale de développement des microfinances. Or, au même titre que l'éducation, la santé, la microfinance devrait être une priorité », a-t-il soutenu.

Evoquant l'évaluation de l'APIM-Guinée, il a souligné qu'elle a porté sur des domaines comme la gouvernance, les ressources humaines, les prestations de service, les relations extérieures. APIM-Guinée serait au stade de naissance. Son évaluation a mis l'accent sur ses relations avec les institutions de mircrofinances de la place, la Banque Centrale, le FENU(Fonds Economique des Nations Unies) et le PNUD ('Programme des Nations Unies pour le Développement). « Aujourd'hui, il est important de créer plusieurs institutions de microfinances en Guinée afin qu'on puisse s'arrêter un moment pour réglementer le secteur mais aussi l'intervention des acteurs. Partout où nous sommes passés, nous avons fait un plaidoyer afin de renforcer les acquis. Le défi s trouve au niveau rural où le taux de pénétration des instutitions de microfinances est très faible », note encore le missionnaire de l'AFNIM.

A propos du taux de pénétration des institutions de microfiances, M.Tidiane Dandia Barry, DG de Pride/Finance, a précisé que les crédits consolidés par les agences évoluant sur le terrain était de 38 milliards de FG au 31 décembre 2006. L'encours d'épargne serait de 20 milliards. Le nombre des clients ayant des prêts est de 200 mille. Ce qui est largement insignifiant pour un pays qui compte près de 9 millions d'habitants. Selon M.Tidiane Dandia Barry, cette faiblesse est due à l'insuffisance tant des ressources financières qu'humaines. « La demande est forte, mais l'offre petite. La solution dépendra de la mise en place d'une stratégie nationale des microfinances. Il faudait également inviter les bailleurs de fonds à ouvrir des volets spécifiques de financement des institutions de microfinances. Il faudrait aussi mettre en place un fonds national d'aide aux institutions de microfinances », argumente M.Barry.


AUTEUR:BAH BOUBEK correspondant Kabanews Conakry

MAroc : La banque mondiale accorde un prêt de 75 millions d'euros destiné au développement du secteur de l'énergie

La banque mondiale accorde au Maroc un prêt de 75 millions d'euros destiné au développement du secteur de l'énergie



Rabat, Le Maroc et la Banque mondiale ont signé, vendredi à Rabat, un accord de prêt d'un montant de 75 millions d'euros (environ 100 millions de dollars), destiné au financement de la première phase du programme de développement du secteur de l'énergie.



Ce prêt, dont l'accord a été signé par le ministre des Finances et de la Privatisation, M. Fathallah Oualalou, et le directeur du département Maghreb à la Banque mondiale, M. Theodore Ahlers, entre dans le cadre de la politique d'appui de cette institution aux réformes menées par le gouvernement dans le domaine de l'énergie.

La politique marocaine de développement du secteur de l'énergie vise le renforcement de la sécurité énergétique dans un cadre de développement durable en renforçant l'indépendance énergétique par la diversification des sources d'approvisionnement et la valorisation des ressources nationales (hydrauliques, éoliennes et solaires).

Elle ambitionne également de contribuer au développement de la compétitivité de l'économie marocaine en général et du secteur de l'énergie en particulier, par la réorganisation du secteur électrique et l'ouverture partielle d'un marché concurrentiel tout en garantissant un service public d'électricité et la sécurité d'approvisionnement.

Le suivi et l'évaluation de la politique énergétique par le renforcement de l'observation et la veille stratégique en vue de mieux cibler les actions de politique énergétique, figurent également parmi les objectifs de cette politique.

Ce programme, qui a bénéficié de l'appui de la Banque mondiale, contribuera, grâce à une meilleure organisation et à une plus grande concurrence, à la sécurisation de l'approvisionnement du Maroc en produits énergétiques et permettra aux ménages et aux entreprises d'accéder à l'énergie à un coût bas, a souligné M. Ahlers.

Il vise également la création d'un cadre plus propice pour l'investissement privé dans le domaine des énergies renouvelables, a-t-il ajouté dans une déclaration à la presse à l'issue de la cérémonie de signature, à laquelle ont pris part le secrétaire général du ministère de l'Energie et des Mines, M. Mouloud Aït Haddou, le chef du bureau de la Banque mondiale au Maroc, M. Ferid Belhaj, et la directrice générale du Centre de développement des énergies renouvelables, Mme Amal Haddouch.

Microfinance: Comment développer l’expertise juridique

Microfinance: Comment développer l’expertise juridique

· Une formation au profit de 30 professionnels maghrébins

L’EXPÉRIENCE du microcrédit et de la microfinance d’une manière générale, dans le monde, a confirmé son efficacité dans la lutte contre la pauvreté. Plus 60 millions de personnes ont bénéficié de ce système durant les dernières décennies à travers des associations dédiées à cette activité. Par ce travail, ces dernières ont démontré aux systèmes financiers traditionnels que les pauvres peuvent devenir de bons clients et que le secteur peut être une affaire rentable. Pour accompagner ces associations, notamment sur le plan juridique, l’Organisation internationale du droit du développement (OIDD) a initié, à partir de 2006, un programme de formation dans ce domaine visant toutes les régions du monde. Ainsi, le Maroc a abrité dernièrement un premier séminaire destiné aux pays arabes de la zone du Maghreb. La manifestation, organisée avec le partenariat du ministère des Finances et de la Privatisation, a regroupé 30 professionnels opérant dans des structures concernées par cette activité comme des banques, les ministères et les institutions de microcrédit en Algérie, au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie. Trois thèmes ont été au programme de ce séminaire de deux semaines. Le premier vise les aspects juridiques, réglementaires et transactionnels de la microfinance. Le statut juridique et financier des institutions du secteur a fait l’objet du deuxième sujet. Quant au dernier volet, il a été consacré à la problématique de la facilitation de l’accès au crédit et de la garantie d’une réglementation adéquate. Par ce cycle de formation, les organisateurs cherchent en premier lieu de renforcer le bon fonctionnement des établissements de microcrédit. «Sans quoi, seulement 10% des institutions de microfinance existantes parviendront à se pérenniser», indique un expert. Cette initiative a pour objectif également de permettre aux institutions d’accompagner les mutations rapides que connaît la microfinance. A ce titre, Ria Rodriguez, chargée de ce programme, rappelle qu’à côté du microcrédit, il y a d’autres produits qui font partie de la microfinance et que les banques et les assurances ne sont pas en mesure d’offrir. Notamment dans le milieu rural. Il s’agit du crédit, de l’épargne, de l’assurance et du transfert d’argent. Donc l’entrée de nouveaux acteurs dans le secteurs du microcrédit et l’élargissement de la gamme de produits, exigent la conception de nouveaux instruments juridiques. Face à cette évolution du secteur, les pays du Maghreb cherchent un cadre juridique approprié pour leur permettre d’assurer la poursuite de développement de ce créneau à caractère social. Pour relever ce défi, l’implication des juristes est indispensable pour la promotion de l’industrie de la microfinance. Ils sont donc appelés à fournir des conseils aux bénéficiaires et aux autres opérateurs du secteur. Le deuxième séminaire pour les pays arabes est prévu au Caire en juillet prochain mais au profit des opérateurs arabophones.

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Expériences



LA formation sur la microfinance a permis notamment l’échange d’expériences en matière de microcrédit dans les pays du Maghreb. A ce propos, Ria Rodriguez, chargée de programme, constate une nette différence entre le statut juridique prévu en Mauritanie et celui appliqué dans les 3 autres pays. Au sein de ces derniers, elle a relevé un rôle de l’Etat renforcé en Algérie et en Tunisie. Dans ces pays, des subventions publiques sont mobilisées pour la promotion du secteur de la microfinance. Et au Maroc, en dépit du peu de soutien étatique, le secteur a connu un essor durant la dernière décennie. Plus d’un million de clients ont bénéficié des prestations de près de 12 associations agrées, dont 66 % de femmes. L’encours des prêts a atteint environ 3,5 milliards de DH (cf.www.leconomiste.com).

Nour Eddine EL AISSI

samedi, juin 02, 2007

Aide au développement : "le problème c'est l'exclusion de la mondialisation"

Aide au développement : "le problème c'est l'exclusion de la mondialisation"
LEMONDE.FR | 30.05.07

L'intégralité du débat avec L'intégralité du débat Pierre Jacquet, directeur exécutif et chef-économiste à l'Agence française de développement (AFD). Il analyse la mission de la Banque mondiale après le départ de Paul Wolfowitz, contraint de démissionner., vendredi 1 juin, à 16 h .



amienEtudiant : Pensez-vous que l'arrivée d'un nouveau président à la Banque mondiale permettra de donner une réelle impulsion à l'aide au développement de certains pays ?


Pierre Jacquet : Je pense que l'un des enjeux aujourd'hui, c'est un enjeu de gouvernance à la tête de la Banque mondiale. Et je crois en effet, comme votre question le suggère, que la Banque mondiale joue un rôle tout à fait important dans l'architecture de l'aide au développement.


Avec une Banque mondiale qui parvient à définir des stratégies claires, je pense qu'on en tirera une réelle impulsion pour l'aide publique au développement dans son ensemble.

Au-delà de l'affaire qui a conduit Paul Wolfowitz à la démission, l'un des avantages de la crise, semble-t-il, c'est qu'elle a fait ressortir le besoin de stratégie pour la Banque mondiale.

Delphine : Paul Wolfowitz avait fait de la lutte contre la corruption l'un des points forts de son action. Son départ et surtout les raisons de ce départ peuvent-ils modifier la démarche de la Banque mondiale sur ce sujet ?


Pierre Jacquet : Sur un plan éthique, je pense évidemment que la lutte contre la corruption est un bon combat. Il me semble qu'un des problèmes fondamentaux de la période Wolfowitz à la Banque, c'est que ce mot d'ordre de lutte contre la corruption n'a pas pu être décliné en véritable stratégie opérationnelle.

Car la corruption n'est pas tant un handicap pour le développement qu'une caractéristique du sous-développement. Donc faire de la lutte contre la corruption une sorte de préalable, c'est méconnaître la difficulté profonde du sous-développement.


Clément : Quelles devraient être les priorités de la Banque ?


Pierre Jacquet : Je pense que c'est trois choses : la lutte contre la pauvreté, bien évidemment, et cela a été amplement reconnu. C'est aussi de ne pas oublier qu'une réduction durable de la pauvreté passe par la croissance économique. Troisième chose : ce sont les biens communs de l'humanité, le fait qu'on a besoin d'institutions pour favoriser, promouvoir l'action collective internationale contre le réchauffement climatique, contre les grandes pandémies, pour la protection de la biodiversité.

Toutes ces luttes nécessaires qui échappent à l'action individuelle de n'importe quel pays et dans lesquelles les pays en développement, bien sûr les grands pays émergents, mais pas seulement, sont déjà des acteurs majeurs. Par exemple, si l'on s'intéresse à la lutte contre les grandes pandémies, l'état de déliquescence des systèmes de santé nationaux dans les pays pauvres est un grand problème. Et on voit donc à travers cet exemple que l'objectif de développement est très compatible avec ce bien public mondial qu'est la lutte contre les pandémies.


Jo : Le FMI et la Banque mondiale ont contraint les pays d'Afrique de l'Ouest à ouvrir leur marché alors que les pays du Nord ne sont pas prêts à le faire pour leur agriculture. La Banque et le FMI peuvent revenir sur leur position et permettre aux pays du Sud de protéger et soutenir leurs agricultures ?


Pierre Jacquet : Cette question, qui en comprend plusieurs, fait le lien entre plusieurs aspects très différents.


La première chose, c'est qu'il y a eu en effet des positions favorables à l'ouverture, aussi bien commerciale que financière. Sur ce point, je crois que ce que l'on peut critiquer, c'est l'unicité idéologique qui a guidé les actions pendant un certain temps.


Depuis quelques années, des analyses beaucoup plus pragmatiques sont à l'œuvre dans ces institutions, et par exemple la Banque mondiale s'intéresse beaucoup plus aujourd'hui à la dynamique de l'ouverture et à la façon de la mettre en œuvre, plutôt qu'au mot d'ordre final d'avoir des marchés complètement ouverts. Et à mon avis, c'est un angle important. Et je crois d'ailleurs que dans le monde actuel, il serait contre-productif de prôner la non-ouverture.

Finalement, l'une des caractéristiques des pays mal développés, ce n'est pas la mondialisation, c'est l'exclusion de la mondialisation. C'est un premier point, sur lequel on pourrait débattre longtemps.


Deuxième aspect : l'ouverture financière. Elle est en effet, à mon avis, beaucoup plus difficile encore à gérer, et franchement, je crois qu'il n'y a pas d'urgence. Ce qui me paraît essentiel, c'est la qualité des services financiers, car c'est à travers les services financiers que se finance l'activité économique. Donc l'ouverture, quand elle apparaît nécessaire, n'est qu'un moyen d'améliorer cette qualité, et elle doit être conçue comme telle.


Et il y a un troisième aspect : la cohérence de nos propres politiques, nous, pays donneurs. Il est vrai que nous prônons pour les autres beaucoup de vertus que nous hésitons à nous appliquer à nous-mêmes. Et on pense évidemment aux politiques agricoles, qui ne nous mettent pas dans une position très crédible dans les négociations commerciales internationales dans lesquelles nous prônons l'ouverture des pays pauvres.


Prebal : Peut-on sérieusement espérer un quelconque renouvellement de la politique d'aide au développement à partir d'une base de connaissance aussi fruste et une éthique de la recherche qui laisse à désirer, selon le rapport d'évaluation de Ken Rogoff des activités de recherche de la Banque mondiale ?


Pierre Jacquet : Je trouve la question très sévère, parce que finalement, c'est déjà très remarquable qu'une institution organise, comme a su le faire l'équipe de la Banque, un vrai travail d'évaluation de sa propre production. Cela montre à mon avis que la Banque est non seulement capable, mais désireuse d'apprendre et de se réformer. Donc je prends cela plutôt pour un élément encourageant.


Maintenant, je partage l'un des présupposés de votre question, qui à mon avis s'applique à l'ensemble des donneurs, des bailleurs de fonds, qui est que nous devons apprendre à être beaucoup plus modestes dans nos analyses et nos prescriptions concernant le développement. Notre tendance est souvent d'aboutir à des conclusions qui méconnaissent les caractéristiques locales et qui sont essentiellement marquées par la connaissance que nous avons de nos propres sociétés.


Roseline : La Banque mondiale a-t-elle encore un rôle à jouer aujourd'hui lorsque l'on voit les réserves financières dont disposent certains pays dits en développement ?


Pierre Jacquet : En fait, dans ce métier que pratiquent non seulement la Banque mondiale mais toutes les institutions d'aide au développement, comme l'AFD, on se rend compte assez vite que ce ne sont pas seulement les financements qui comptent.


Quand nous échangeons avec nos partenaires sur notre action dans les pays en développement, ils nous disent qu'ils apprécient surtout l'appui que nous pouvons leur apporter à la définition et à la mise en œuvre de leur propre politique. Donc en fait, le financement n'est pas tant là pour apporter des ressources – même si c'est parfois indispensable – que comme vecteur d'un ensemble de services d'appui et de construction de capacités.


Dans ce sens-là, bien entendu, la Banque mondiale, le FMI et l'aide au développement restent absolument nécessaires, même dans un monde caractérisé par un excès de liquidités.


Frédéric : Quel peut être l'impact pour la Banque mondiale de la Banque du Sud, visant à promouvoir la solidarité entre pays latino-américains, lancée en février par M. Chavez ?


Pierre Jacquet : Je crois qu'une façon de répondre à cette question, c'est de constater que le marché de l'aide est de plus en plus concurrentiel. Et cette concurrence pousse l'ensemble des institutions d'aide à mettre davantage l'accent sur la qualité des services qu'elles rendent. Donc finalement, c'est plutôt une bonne nouvelle.


Dante : La Banque mondiale ne devrait-elle pas contrôler l'utilisation de ses "prêts" pour être sûre que l'argent dépensé est un argent utile et véritablement destiné au développement des pays les plus pauvres? Les fonds sont-ils suivis ?


Pierre Jacquet : Vous n'imaginez pas la quantité de procédures et l'exigence de rigueur que l'on trouve à la Banque mondiale et dans les institutions d'aide. La difficulté qui subsiste toujours, c'est que, comme on dit, l'argent est fongible. Donc même lorsque les ressources que l'on apporte sont contrôlées avec la plus grande rigueur, le fait même qu'on les apporte libère d'autres possibilités de financement sur lesquelles on n'a pas de contrôle. C'est pour cela que l'effort d'aide s'inscrit de plus en plus dans l'exigence d'une programmation cohérente de la part des pays bénéficiaires.

En même temps, vous voyez bien que cela revient à accroître le poids de la conditionnalité à une époque où, pour faire le lien avec la question précédente, les possibilités de financement alternatives, par exemple auprès d'autres donneurs, sont de plus en plus importantes.


Euroméditerranéen : Comment peut évoluer la politique méditerranéenne de la France dans les cinq ans à venir et quel rôle peut jouer la Banque mondiale dans cette région ?


Pierre Jacquet : Comme vous le savez, on est à la veille d'une redéfinition de cette politique méditerranéenne. Il est très clair que pour la France et pour l'Europe, c'est une région tout à fait fondamentale, avec laquelle nous avons des liens économiques, culturels, sociaux, historiques qui en font un partenaire très important.


Or le rôle des agences d'aide, c'est de contribuer au développement de cette zone et il me semble que c'est caractérisé par au moins trois enjeux : le premier, c'est la réduction de la pauvreté ; le deuxième, c'est la mise à niveau des économies dans le contexte de l'ouverture à l'Europe ; et le troisième, c'est une pression considérable sur les ressources naturelles, liée aux problèmes environnementaux, à la pression démographique, et à la pression urbaine. Une agence comme l'AFD, par exemple, s'attache à travailler dans ces trois domaines, et est très présente notamment pour tout ce qui concerne le secteur de l'eau.


Teresa : Croyez-vous que Robert Zoellick va vraiment travailler avec une vision multilatérale ?


Pierre Jacquet : Parmi les noms qui ont circulé, c'est probablement celui qui paraît le plus prometteur en matière d'action multilatérale de la Banque. M. Zoellick a, dans ses fonctions passées, notamment lorsqu'il était négociateur des Etats-Unis à l'OMC, montré son attachement aux solutions multilatérales. Donc je crois qu'on peut lui faire ce crédit et considérer qu'il aura à cœur de placer la Banque mondiale dans un réseau de partenariats avec l'ensemble des autres agences.


Pierrotalyon : Le précédent directeur de la Banque mondiale était favorable à une redéfinition de la politique générale de l'institution en faveur de l'Afrique. Qu'en est-il de son successeur ? A-t-il déjà fait part de son avis sur le développement africain ? En quels termes ?


Pierre Jacquet : Je ne peux pas prédire ce que va faire M. Zoellick. Je pense qu'il y a un enjeu très clair pour le continent africain aujourd'hui, c'est vraiment le continent où la réduction de la pauvreté a le plus de mal à s'engager de façon durable. Donc il y a vraiment un enjeu spécifique africain.


Je crois qu'il y a d'autres priorités aussi pour la Banque, mais qui sont de nature différente et qui ne se feront pas au détriment de l'Afrique. Et ce sont d'ailleurs des enjeux qui se posent aussi aux autres donneurs. C'est ce qui concerne ce dont je parlais tout à l'heure, les biens publics globaux.


Je crois qu'il faut penser les agences d'aide, aussi bien multilatérales que bilatérales, pas seulement comme des agents de solidarité, mais aussi comme des institutions capables de faire le lien entre les pays du Nord et les grands pays émergents, dont on sent bien qu'ils vont jouer un rôle majeur dans la mondialisation.


Par exemple, on parlait tout à l'heure du multilatéralisme. Aujourd'hui, celui-ci ne peut pas se définir sans la participation du Brésil, de la Chine, de l'Inde, d'autres encore. Et je crois que par leur savoir-faire et leurs instruments, les agences d'aide peuvent jouer un rôle très important.


Dante : "Une programmation cohérente de la part des pays bénéficiaires" ne signifie-t-elle pas que la Banque mondiale s'immisce dans les affaires des Etats en voie de développement pour établir une politique qui leur est avantageuse, c'est-à-dire une politique libérale ? Cela expliquerait pourquoi M. Chavez a décidé la création de la Banque du Sud. Qu'en pensez-vous ?


Pierre Jacquet : Je crois qu'il y a deux catégories de pays. Il y a ceux qui sont bien gouvernés, et qui vont être capables tout seul, finalement, de rédiger leur programme de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Et dans ce cas-là, les donneurs interviennent en finançant telle ou telle partie de ce programme. Et leur influence est relativement limitée. Un pays comme le Vietnam est dans cette catégorie.


Et puis il y a des pays dans lesquels les institutions sont faibles et dans lesquels les donneurs sont appelés à être beaucoup plus présents dans la définition même des politiques. Et là, en effet, les donneurs ont une influence et une responsabilité importantes.

Je n'entrerai pas dans le débat libéral ou pas libéral, parce que je crois que le mot libéral est très mal utilisé en France. Je préfère dire qu'il est parfois tentant pour un donneur de penser qu'il a les solutions aux problèmes rencontrés par les bénéficiaires.


Toute notre expérience des dernières décennies doit nous amener à être beaucoup plus modestes, tout en assumant en même temps ce devoir de prescription, puisqu'il faut bien parvenir à intervenir, y compris dans les pays mal gouvernés. C'est un dilemme très difficile, et je crois qu'on s'efforce régulièrement de trouver de meilleures réponses.