mardi, avril 12, 2005

L'Europe met le cap sur l'Afrique noire

12/04/2005
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L'Afrique subsaharienne devient la priorité de la Commission européenne.


2147: ce n'est pas de la science-fiction. Au rythme actuel, l'objectif d'éradiquer de moitié la pauvreté dans le monde à l'horizon 2015 - l'une des cibles principales des «Objectifs du millénaire pour le développement» - ne sera réalisé en Afrique subsaharienne qu'en 2147... Effarée, la Commission européenne a dénoncé lundi « un tsunami latent dont peu de gens (avaient) conscience », selon l'un de ses hauts fonctionnaires, et a dégainé une bordée de propositions destinées à recadrer l'action européenne en matière de développement. Ces plans de bataille doivent être détaillés ce mardi à Strasbourg par l'eurocommissaire Michel et son capitaine d'équipe, le Portugais Duro Barroso.

L'objectif de ce « paquet » de mesures est de fédérer les Etats membres autour d'une position consolidée qui sera présentée lors du sommet des Nations unies sur le développement en septembre 2005 à New York. L'Europe - principal bailleur du développement dans le monde (environ 50pc de l'aide publique distribuée) - entend « faire plus et mieux ». Et, afin d'atteindre l'objectif qu'elle s'est assigné, à savoir consacrer 0,7pc des RNB au développement en 2015, l'Europe devrait se fixer un objectif intermédiaire à atteindre: 0,51pc en 2010. Les nouveaux membres de l'Union - « situation de départ différente » oblige - se verront distribuer un objectif moins ambitieux. Précisions: selon l'OCDE, qui a publié lundi un tableau de bord des dollars consacrés au développement par les puissances publiques en 2004, la Belgique joue en seconde division. Avec 0,41pc de son Revenu national consacré à l'aide publique au développement, elle reste loin derrière le groupe des Danois (0,84pc), Norvégiens (0,87pc) et autres Suédois (0,77pc). Mais elle devance de plusieurs longueurs le Japon (0,19pc), les Etats-Unis (0,16pc) ou encore les Italiens (0,15pc), lanternes rouges.

«Un ticket pour le dialogue»

L'objectif d'endiguer de moitié la pauvreté dans le monde devrait être atteint en 2015, estime l'Exécutif européen, mais essentiellement grâce aux bonds en avant réalisés par la Chine ou les pays d'Europe centrale. Mais l'Afrique subsaharienne stagne et l'Europe devrait donc y booster «

significativement » son aide publique au développement. En mettant l'accent sur trois priorités: la bonne gouvernance d'abord, le développement des infrastructures ensuite, l'équité et la cohésion sociale enfin.

Le mécanisme de l'aide budgétaire, parfois critiqué pour sa perméabilité à la fraude (cfr les soupçons de détournement de fonds dans les territoires palestiniens), conserve la préférence de la Commission. Outre qu'il est soumis à des indicateurs de résultats agréés par le Fonds monétaire international, ce mécanisme budgétaire offre « un ticket d'entrée pour dialoguer avec les autorités, ce qui n'est pas possible lorsque l'on finance un projet clé en main », relève un expert communautaire. Consciente de la limite des ressources disponibles, la Commission étudie les propositions de financement alternatif comme la taxe sur le kérosène, l'allégement de la dette ou encore l'initiative britannique de prêt à grande échelle pour l'Afrique. Et devrait militer pour une approche combinée. Enfin, la Commission entend accentuer la cohérence de ses propres politiques ayant un lien (in)direct avec le développement; l'agriculture ou la pêche par exemple. « Un sujet politiquement sensible », reconnaît un haut fonctionnaire, car il s'agit de « concilier des intérêts divergents ». Comme ceux des producteurs agricoles européens et de leurs alter ego des pays les plus pauvres.

© La Libre Belgique 2005