dimanche, avril 02, 2006

Le droit au développement et les objectifs du millénaire

Cinquième séminaire international du CADTM sur le Droit et la Dette
7-9 octobre 2005 – Bruxelles
Le droit au développement et les objectifs du millénaire
Emergence et déclin d’un concept
Francine Mestrum

CADTM, Bruxelles, 7 octobre 2005

I. Le droit au développement

Origine :
- La Charte des Nations Unies où le développement est présenté comme le corollaire de la paix – confirmation du lien indissociable entre la paix et la justice sociale
- Création de la CNUCED : dérogation au droit international en faveur du développement
- Les résolutions programmatoires de l’ONU : nouvel ordre économique international, droits et devoirs économiques des Etats, etc.
- Déclaration sur le Droit au Développpement (9/12/1986) : « l’égalité des chances en matière de développement est une prérogative des nations aussi bien que des individus ».

Ce texte est important parce qu’il consacre le développement en tant que droit humain.

Ce texte est dangereux dans la mesure où il permet le passage d’un développement au niveau des nations à celui des individus. Les individus deviennent les sujets du droit au développement au lieu et place des nations.

Ainsi, on voit que le ‘développement’ n’a pas de signification stable.

Le ‘développement’ d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui des années ’60 et ’70.

A l’époque : projet national d’émancipation et de modernisation collective – développement économique et social

Aujourd’hui : synonyme de ‘croissance’ et de ‘lutte contre la pauvreté’.

II. La pauvreté

La pauvreté : une réalité ET une idéologie

Il n’existe pas de définition objective ou neutre de la pauvreté

Toutes les définitions sont en fonction de l’idéologie de leurs auteurs

Toutes les définitions comprennent les éléments de la solution que l’on souhaite apporter

Trois caractéristiques de la conceptualisation chez la Banque mondiale et le PNUD :

- la mutidimensionnalité : définitions de plus en plus subjectives qui font disparaître le revenu

- l’intérêt commun de la lutte contre la pauvreté : permet à la Banque et au FMI de prendre un contrôle total de toutes les politiques des pays pauvres

- association pauvreté/femmes : permet de définir la pauvreté en termes de discrimination et d’oublier le revenu

1995 : Sommet social de l’ONU à Copenhague avec trois chapitres équilibrés : pauvreté, emploi et intégration sociale – reste sans résultats concrets

1999 : le FMI remplace sa ‘Facilité renforcée d’ajustement structurel’ par une ‘Facilité pour la croissance et la réduction de la pauvreté’. Dorénavant, les pays pauvres doivent introduire des ‘PRSP’ (Poverty Reduction Stragtegy Paper) auprès de la Banque mondiale et du FMI pour obtenir un réaménagement de leur dette ou un financement à taux réduit.

2000 : le sommet du millénaire de l’ONU où sont adoptés les ‘Objectifs du Millénaire’ (ODM).

Le ‘développement’ dans le sens des années ’60 et ’70 a disparu.

III. Analyse critique des PRSP et des ODM

- Le ‘Consensus de Washington’ reste inchangé. La pauvreté est conceptualisée de telle façon que les politiques néolibérales sont perçues comme des solutions à la pauvreté. Les privatisations et les dérégulations sont faites ‘pour les pauvres’.

- Les PRSP et les ODM n’ont rien à voir avec des politiques sociales. La lutte contre la pauvreté exige un démantèlement de la sécurité sociale, des salaires minimum et des politiques de redistribution. Tout ce qui empêche le marché de bien fonctionner n’est pas en faveur des pauvres.

- Ni les PRSP, ni les ODM ne parlent du travail ou de la protection sociale. On n’y trouve rien sur la façon dont les pauvres peuvent obtenir un revenu.

- Les ODM sont extrêmement modestes et ne visent, en fait que de réduire de 19 % le nombre de personnes extrêmement pauvres entre 1990 et 2015. Les ODM ne mènent certainement pas à ‘un autre monde’, un monde plus juste.

- La ‘bonne gouvernance’ est impossible dans des pays qui subissent depuis vingt ans les politiques des institutions de Bretton Woods.

- Il n’est pas possible de réduire la pauvreté ou de réaliser les ODM avec les politiques actuelles de BM/FMI.

38 sur 42 PRSP comprennent des demandes de privatisations

26 sur 42 PRSP comprennent des demandes de dérégulation des investissements

0 sur 42 PRSP comprennent des demandes de réinvestissement des bénéfices

Que peuvent faire les ODM pour les centaines de millier de femmes qui perdent leur travail suite à la libéralisation du secteur des textiles ? Pour les migrants qui s’entassent à nos frontières ou qui sont jetés ur les plages dans le Sud de l’Espagne ?

IV. Conclusion

Le système économique est absurde

- les pays pauvres doivent exporter ce qu’ils produisent et importer ce dont ils ont besoin

- les pays pauvres reçoivent de l’aide mais continuent de payer plus de 200 milliards de $ par an au pays riches

- la démocratie est bafouée

- Depuis 15 ans, les ambitions en matière de coopération au développement sont revues à la baisse. Bientôt il ne nous restera que la charité et la philantropie

Ce qu’il faut :

- retour au ‘droit au développement’ dans le sens des années ’60 et ‘70

- le développement en tant que projet national ou régional d’émancipation collective

- projets de développement à décider par les peuples

- s’inspirer des demandes de la CNUCED, OIT, G-77

- démocratisation des organisations internationales