samedi, avril 16, 2005

La taxe Tobin et l'aide au développement ?

- 2.060 milliards de dollars est le montant de la dette du Tiers-Monde, dont 1.600 de dettes publiques.

- Plus de 3.000 milliards de Dollars, c'est le montant quotidien échangé sur le marché des changes, tous produits confondus, c'est à dire aussi bien pour le change classique que pour les produits dérivés (le chiffre était de moitié moins il y a 10 ans).

- En comparaison, le montant annuel des échanges de biens et services est de 4.300 milliards de Dollars.

- Toujours, en guise de comparaison, le PNB annuel des Etats-Unis est de 10.400 milliards de dollars, celui du Japon 4.257 milliards, celui de la France 1.347 milliards.

- Et le budget annuel de la France est de près de 300 milliards d'euros (soit environ 400 milliards de Dollars).

- Au vu des volumes échangés quotidiennement sur le marché des changes, un prix Nobel d'économie James TOBIN a proposé, dans les années 70, de taxer les transactions spéculatives réalisées sur le marché des changes (une idée similaire avait d'ailleurs déjà été proposée par Keynes après le désastre économique de 1929).

Ce dernier considère en effet (à juste titre, d'ailleurs, les statistiques le prouvent) que les transactions dans leur majorité sont purement spéculatives (c'est à dire non liée à une activité commerciale ou d'investissement).

Qui plus est, ces transactions de durée relativement courte (jusqu'à la semaine pour 80% d'entre elles) peuvent mettre en péril certaines économies. On pourra citer en exemple la dernière crise asiatique dont l'effondrement des taux de change a été expliqué par le brusque retrait des capitaux spéculatifs ou encore la situation en Argentine, en Turquie.

- Replaçons cependant cette idée dans son contexte, c'est à dire les années 1970. A cette époque, le Système Monétaire International est en crise après l'abandon par les États-Unis du système de taux de change fixe.

La taxe proposée poursuit alors 2 objectifs :
* limiter la spéculation à court terme,
* permettre à divers institutions internationales de disposer de ressources.

- Les principales organisations anti mondialisation ont interprété les propositions de James TOBIN en proposant d'affecter les sommes perçues à l'aide au développement.

James Tobin a d'ailleurs pris position contre ces détournements.

Il a ainsi déclaré (dans un article du journal Le Monde) : « j’apprécie l’intérêt qu’on porte à mon idée mais beaucoup de ces éloges ne viennent pas d’où il faut. Je suis économiste et, comme la plupart des économistes, je défends le libre-échange. De plus, je soutiens le Fonds monétaire international (FMI), la Banque Mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout ce à quoi ces mouvements (anti-mondialisation) s’en prennent. J’estime être aujourd’hui mal compris. J’estime aussi qu’on s’est abusivement servi de mon nom pour des priorités qui ne sont pas les miennes. La taxe Tobin n’est en rien un tremplin pour les réformes dont ces gens veulent ».

En effet, pour beaucoup d'économistes, la meilleure façon de réduire la pauvreté dans le monde est justement de favoriser les échanges commerciaux.

Les hommes politiques se sont également dits intéressés par cette taxe aussi bien à droite (François Bayrou, Philippe Seguin, JAcques Chirac), qu'à gauche (Lionel Jospin).

- Les économies américaine et européenne ont bien changé depuis les années 70, elles se sont stabilisées et renforcées et on peut les estimer à l'abri de certains des déséquilibres observés à l'époque.

Cela n'est bien sûr pas le cas de pays plus modestes. N'oublions pas néanmoins que d'autres mesures existent pour combattre les entrées et sorties de capitaux purement spéculatifs : contrôle des changes, double marché, dépôt obligatoire non rémunéré, etc.

C'est d'ailleurs le contrôle des changes qui a permis à des pays comme le Chili, l'Inde ou la Chine de mieux résister que d'autres aux dernières crises financières.

Reste que les entrées financières que représente cette taxe (le taux appliqué va de 0,05 à 0,25% ce qui, selon James TOBIN lui-même ne devrait pas pénaliser les opérations commerciales) ont de quoi intéresser les gouvernements qui souhaitent réduire leur déficit budgétaire (et les élus en mal de popularité).

Ainsi pour la France, on estime que la taxe TOBIN représenterait une rentrée de près de 3 milliards de dollars par an.

2 questions restent en suspens : comment concrètement mettre en place une telle réforme et qui profiterait réellement de cette manne financière ?

En France, les partisans de la taxe Tobin sont regroupés au sein de l'ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide au Citoyen).

Voir aussi : Dette du Tiers-Monde et financement du développement, état des lieux