lundi, mai 01, 2006

Le Développement ; un cadeau empoisonné pour le Sud

[ Paris - France ] ( 29/04/2006) Guy Parfait Songue

Le concept de développement est en lui-même, si l'on veut le prendre tel que « concept », complexe, et il traîne derrière lui toute une histoire. Nous ne pourrons pas ici en étudier toute l'historicité mais nous passerons tout de même par des axes qui permettont de d'entrevoir son passé et son évolution. En outre, nous nous ferons le devoir de prendre les pays du Sud comme champ de validation de ce concept, tout en étant le plus réaliste possible dans notre analyse.

Lorsque les problèmes du Tiers-Monde ont commencé à se poser, d'autres facteurs comptaient davantage, dans le domaine des idées comme dans celui de la pratique du concept de développement. Il s'agissait des facteurs « idéologiques » et « diplomatico-stratégiques » qui à l'époque, avaient une importance de dernier plan aux yeux de tous les acteurs : Guerre froide ; opposition des conceptions libérales de l'Occident et des critiques revendications fondées sur des idéologies dites « tiers-mondistes » ; souci des pays développés de maintenir, de conforter ou d'acquérir des avantages d'ordre militaire, commercial, financier ou culturel, etc.
Si la connotation économique prévalait aussi bien dans la conception du développement que dans celle de l'aide, c'est que le capitalisme et le socialisme, l'un et l'autre issus de l'Occident donnaient à l'économie une primauté conçue certes de manière différentes dans chacune de deux idéologies, mais toujours déterminante. Avec le contexte de la guerre froide, les affirmations tiers-mondistes suivant lesquelles le sous-développement avait pour cause unique l'exploitation d'origine capitaliste et impérialiste posaient le problème de la pauvreté et du retard du développement du Sud.
A cela venait s'ajouter dans les deux camps des motivations d'ordre éthique : au Nord, devoirs envers les pauvres et parfois « sentiments obscurs ou avoué de culpabilité » ; au Sud « exigence impérieuses de justice et d'équité ». La vision globale de l'action internationale pour le développement se résumait avant tout à l'élaboration et la mise en œuvre de « politiques d'aide économique », qu'elle que fussent les autres motivations des divers intéressés. La conception que l'on s'est faite avec le temps du développement a évolué durant des siècles ; nous n'en ferons pas état ici.
Le développement longtemps venté par les pays du Nord et importé au Sud, n'a pas produit les fruits attendus ; et rapidement (entre 1960 à 1990) l'on s'est trouvé dans un scénario catastrophe. Il fallait impérativement que les pays du Sud reçoivent de l'aide pour atteindre les objectifs du développement qu'ils sont sensés atteindre. L'aide fixée à 1% du produit intérieur brut (PIB) des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), lors de la première décennie du développement des Nations Unies en 1960, réajustée à la baisse à 0,70% en 1992 à Rio et en 1995 à Copenhague, n'atteignait pas les 0,25% en 2000. On se plait à parler de développement aux pays pauvres depuis des décennies si ce n'est plus, or le développement réellement existant, c'est la guerre économique (avec ses vainqueurs et surtout ses vaincus), « le pillage sans retenue de la nature, l'occidentalisation du monde et l'uniformisation planétaire, c'est la destruction de toutes les cultures différentes ».
Difficultés de l'aide au Développement
Les quatre cinquièmes de la population du monde vivent dans les pays en développement et un cinquième (1,3 milliard de personnes) vit dans une situation d'extrême pauvreté ; leur nombre va croissant. Les 20% des habitants de la planète les plus pauvres se partagent à peine plus de 1% du revenu mondial en 2000, contre 2,3% en 1960. Il existe un vieux débat sur le montant de l'aide, mais ce débat masque un autre aussi important si ce n'est plus : les objectifs même de cette manne, trop souvent liés aux intérêts des donateurs.
Certains estiment que les concepteurs de l'aide ne sont pas à blâmer. Au contraire, le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz affirmait que leur approche revient à « utiliser un lance-flammes pour enlever la peinture décrépie d'une maison et à se lamenter ensuite de ne pas pouvoir repeindre sous prétexte que la maison est réduite en cendres ». La réduction de la pauvreté n'est devenue la raison d'être officielle de l'aide internationale qu'à la fin des années 1990. Cependant comme elle avait été conçue pour atteindre parallèlement deux objectifs (la lutte contre le communisme et l'ouverture des marchés aux produits et aux investisseurs occidentaux), on peut douter de la réalité de ce changement de stratégie. L'aide au développement est truffée d'ambiguïté. Au-delà de des proclamations, le devoir de donner cache un « jumeau inséparable » et beaucoup plus grand : le désir de prendre.