samedi, juin 02, 2007

Aide au développement : "le problème c'est l'exclusion de la mondialisation"

Aide au développement : "le problème c'est l'exclusion de la mondialisation"
LEMONDE.FR | 30.05.07

L'intégralité du débat avec L'intégralité du débat Pierre Jacquet, directeur exécutif et chef-économiste à l'Agence française de développement (AFD). Il analyse la mission de la Banque mondiale après le départ de Paul Wolfowitz, contraint de démissionner., vendredi 1 juin, à 16 h .



amienEtudiant : Pensez-vous que l'arrivée d'un nouveau président à la Banque mondiale permettra de donner une réelle impulsion à l'aide au développement de certains pays ?


Pierre Jacquet : Je pense que l'un des enjeux aujourd'hui, c'est un enjeu de gouvernance à la tête de la Banque mondiale. Et je crois en effet, comme votre question le suggère, que la Banque mondiale joue un rôle tout à fait important dans l'architecture de l'aide au développement.


Avec une Banque mondiale qui parvient à définir des stratégies claires, je pense qu'on en tirera une réelle impulsion pour l'aide publique au développement dans son ensemble.

Au-delà de l'affaire qui a conduit Paul Wolfowitz à la démission, l'un des avantages de la crise, semble-t-il, c'est qu'elle a fait ressortir le besoin de stratégie pour la Banque mondiale.

Delphine : Paul Wolfowitz avait fait de la lutte contre la corruption l'un des points forts de son action. Son départ et surtout les raisons de ce départ peuvent-ils modifier la démarche de la Banque mondiale sur ce sujet ?


Pierre Jacquet : Sur un plan éthique, je pense évidemment que la lutte contre la corruption est un bon combat. Il me semble qu'un des problèmes fondamentaux de la période Wolfowitz à la Banque, c'est que ce mot d'ordre de lutte contre la corruption n'a pas pu être décliné en véritable stratégie opérationnelle.

Car la corruption n'est pas tant un handicap pour le développement qu'une caractéristique du sous-développement. Donc faire de la lutte contre la corruption une sorte de préalable, c'est méconnaître la difficulté profonde du sous-développement.


Clément : Quelles devraient être les priorités de la Banque ?


Pierre Jacquet : Je pense que c'est trois choses : la lutte contre la pauvreté, bien évidemment, et cela a été amplement reconnu. C'est aussi de ne pas oublier qu'une réduction durable de la pauvreté passe par la croissance économique. Troisième chose : ce sont les biens communs de l'humanité, le fait qu'on a besoin d'institutions pour favoriser, promouvoir l'action collective internationale contre le réchauffement climatique, contre les grandes pandémies, pour la protection de la biodiversité.

Toutes ces luttes nécessaires qui échappent à l'action individuelle de n'importe quel pays et dans lesquelles les pays en développement, bien sûr les grands pays émergents, mais pas seulement, sont déjà des acteurs majeurs. Par exemple, si l'on s'intéresse à la lutte contre les grandes pandémies, l'état de déliquescence des systèmes de santé nationaux dans les pays pauvres est un grand problème. Et on voit donc à travers cet exemple que l'objectif de développement est très compatible avec ce bien public mondial qu'est la lutte contre les pandémies.


Jo : Le FMI et la Banque mondiale ont contraint les pays d'Afrique de l'Ouest à ouvrir leur marché alors que les pays du Nord ne sont pas prêts à le faire pour leur agriculture. La Banque et le FMI peuvent revenir sur leur position et permettre aux pays du Sud de protéger et soutenir leurs agricultures ?


Pierre Jacquet : Cette question, qui en comprend plusieurs, fait le lien entre plusieurs aspects très différents.


La première chose, c'est qu'il y a eu en effet des positions favorables à l'ouverture, aussi bien commerciale que financière. Sur ce point, je crois que ce que l'on peut critiquer, c'est l'unicité idéologique qui a guidé les actions pendant un certain temps.


Depuis quelques années, des analyses beaucoup plus pragmatiques sont à l'œuvre dans ces institutions, et par exemple la Banque mondiale s'intéresse beaucoup plus aujourd'hui à la dynamique de l'ouverture et à la façon de la mettre en œuvre, plutôt qu'au mot d'ordre final d'avoir des marchés complètement ouverts. Et à mon avis, c'est un angle important. Et je crois d'ailleurs que dans le monde actuel, il serait contre-productif de prôner la non-ouverture.

Finalement, l'une des caractéristiques des pays mal développés, ce n'est pas la mondialisation, c'est l'exclusion de la mondialisation. C'est un premier point, sur lequel on pourrait débattre longtemps.


Deuxième aspect : l'ouverture financière. Elle est en effet, à mon avis, beaucoup plus difficile encore à gérer, et franchement, je crois qu'il n'y a pas d'urgence. Ce qui me paraît essentiel, c'est la qualité des services financiers, car c'est à travers les services financiers que se finance l'activité économique. Donc l'ouverture, quand elle apparaît nécessaire, n'est qu'un moyen d'améliorer cette qualité, et elle doit être conçue comme telle.


Et il y a un troisième aspect : la cohérence de nos propres politiques, nous, pays donneurs. Il est vrai que nous prônons pour les autres beaucoup de vertus que nous hésitons à nous appliquer à nous-mêmes. Et on pense évidemment aux politiques agricoles, qui ne nous mettent pas dans une position très crédible dans les négociations commerciales internationales dans lesquelles nous prônons l'ouverture des pays pauvres.


Prebal : Peut-on sérieusement espérer un quelconque renouvellement de la politique d'aide au développement à partir d'une base de connaissance aussi fruste et une éthique de la recherche qui laisse à désirer, selon le rapport d'évaluation de Ken Rogoff des activités de recherche de la Banque mondiale ?


Pierre Jacquet : Je trouve la question très sévère, parce que finalement, c'est déjà très remarquable qu'une institution organise, comme a su le faire l'équipe de la Banque, un vrai travail d'évaluation de sa propre production. Cela montre à mon avis que la Banque est non seulement capable, mais désireuse d'apprendre et de se réformer. Donc je prends cela plutôt pour un élément encourageant.


Maintenant, je partage l'un des présupposés de votre question, qui à mon avis s'applique à l'ensemble des donneurs, des bailleurs de fonds, qui est que nous devons apprendre à être beaucoup plus modestes dans nos analyses et nos prescriptions concernant le développement. Notre tendance est souvent d'aboutir à des conclusions qui méconnaissent les caractéristiques locales et qui sont essentiellement marquées par la connaissance que nous avons de nos propres sociétés.


Roseline : La Banque mondiale a-t-elle encore un rôle à jouer aujourd'hui lorsque l'on voit les réserves financières dont disposent certains pays dits en développement ?


Pierre Jacquet : En fait, dans ce métier que pratiquent non seulement la Banque mondiale mais toutes les institutions d'aide au développement, comme l'AFD, on se rend compte assez vite que ce ne sont pas seulement les financements qui comptent.


Quand nous échangeons avec nos partenaires sur notre action dans les pays en développement, ils nous disent qu'ils apprécient surtout l'appui que nous pouvons leur apporter à la définition et à la mise en œuvre de leur propre politique. Donc en fait, le financement n'est pas tant là pour apporter des ressources – même si c'est parfois indispensable – que comme vecteur d'un ensemble de services d'appui et de construction de capacités.


Dans ce sens-là, bien entendu, la Banque mondiale, le FMI et l'aide au développement restent absolument nécessaires, même dans un monde caractérisé par un excès de liquidités.


Frédéric : Quel peut être l'impact pour la Banque mondiale de la Banque du Sud, visant à promouvoir la solidarité entre pays latino-américains, lancée en février par M. Chavez ?


Pierre Jacquet : Je crois qu'une façon de répondre à cette question, c'est de constater que le marché de l'aide est de plus en plus concurrentiel. Et cette concurrence pousse l'ensemble des institutions d'aide à mettre davantage l'accent sur la qualité des services qu'elles rendent. Donc finalement, c'est plutôt une bonne nouvelle.


Dante : La Banque mondiale ne devrait-elle pas contrôler l'utilisation de ses "prêts" pour être sûre que l'argent dépensé est un argent utile et véritablement destiné au développement des pays les plus pauvres? Les fonds sont-ils suivis ?


Pierre Jacquet : Vous n'imaginez pas la quantité de procédures et l'exigence de rigueur que l'on trouve à la Banque mondiale et dans les institutions d'aide. La difficulté qui subsiste toujours, c'est que, comme on dit, l'argent est fongible. Donc même lorsque les ressources que l'on apporte sont contrôlées avec la plus grande rigueur, le fait même qu'on les apporte libère d'autres possibilités de financement sur lesquelles on n'a pas de contrôle. C'est pour cela que l'effort d'aide s'inscrit de plus en plus dans l'exigence d'une programmation cohérente de la part des pays bénéficiaires.

En même temps, vous voyez bien que cela revient à accroître le poids de la conditionnalité à une époque où, pour faire le lien avec la question précédente, les possibilités de financement alternatives, par exemple auprès d'autres donneurs, sont de plus en plus importantes.


Euroméditerranéen : Comment peut évoluer la politique méditerranéenne de la France dans les cinq ans à venir et quel rôle peut jouer la Banque mondiale dans cette région ?


Pierre Jacquet : Comme vous le savez, on est à la veille d'une redéfinition de cette politique méditerranéenne. Il est très clair que pour la France et pour l'Europe, c'est une région tout à fait fondamentale, avec laquelle nous avons des liens économiques, culturels, sociaux, historiques qui en font un partenaire très important.


Or le rôle des agences d'aide, c'est de contribuer au développement de cette zone et il me semble que c'est caractérisé par au moins trois enjeux : le premier, c'est la réduction de la pauvreté ; le deuxième, c'est la mise à niveau des économies dans le contexte de l'ouverture à l'Europe ; et le troisième, c'est une pression considérable sur les ressources naturelles, liée aux problèmes environnementaux, à la pression démographique, et à la pression urbaine. Une agence comme l'AFD, par exemple, s'attache à travailler dans ces trois domaines, et est très présente notamment pour tout ce qui concerne le secteur de l'eau.


Teresa : Croyez-vous que Robert Zoellick va vraiment travailler avec une vision multilatérale ?


Pierre Jacquet : Parmi les noms qui ont circulé, c'est probablement celui qui paraît le plus prometteur en matière d'action multilatérale de la Banque. M. Zoellick a, dans ses fonctions passées, notamment lorsqu'il était négociateur des Etats-Unis à l'OMC, montré son attachement aux solutions multilatérales. Donc je crois qu'on peut lui faire ce crédit et considérer qu'il aura à cœur de placer la Banque mondiale dans un réseau de partenariats avec l'ensemble des autres agences.


Pierrotalyon : Le précédent directeur de la Banque mondiale était favorable à une redéfinition de la politique générale de l'institution en faveur de l'Afrique. Qu'en est-il de son successeur ? A-t-il déjà fait part de son avis sur le développement africain ? En quels termes ?


Pierre Jacquet : Je ne peux pas prédire ce que va faire M. Zoellick. Je pense qu'il y a un enjeu très clair pour le continent africain aujourd'hui, c'est vraiment le continent où la réduction de la pauvreté a le plus de mal à s'engager de façon durable. Donc il y a vraiment un enjeu spécifique africain.


Je crois qu'il y a d'autres priorités aussi pour la Banque, mais qui sont de nature différente et qui ne se feront pas au détriment de l'Afrique. Et ce sont d'ailleurs des enjeux qui se posent aussi aux autres donneurs. C'est ce qui concerne ce dont je parlais tout à l'heure, les biens publics globaux.


Je crois qu'il faut penser les agences d'aide, aussi bien multilatérales que bilatérales, pas seulement comme des agents de solidarité, mais aussi comme des institutions capables de faire le lien entre les pays du Nord et les grands pays émergents, dont on sent bien qu'ils vont jouer un rôle majeur dans la mondialisation.


Par exemple, on parlait tout à l'heure du multilatéralisme. Aujourd'hui, celui-ci ne peut pas se définir sans la participation du Brésil, de la Chine, de l'Inde, d'autres encore. Et je crois que par leur savoir-faire et leurs instruments, les agences d'aide peuvent jouer un rôle très important.


Dante : "Une programmation cohérente de la part des pays bénéficiaires" ne signifie-t-elle pas que la Banque mondiale s'immisce dans les affaires des Etats en voie de développement pour établir une politique qui leur est avantageuse, c'est-à-dire une politique libérale ? Cela expliquerait pourquoi M. Chavez a décidé la création de la Banque du Sud. Qu'en pensez-vous ?


Pierre Jacquet : Je crois qu'il y a deux catégories de pays. Il y a ceux qui sont bien gouvernés, et qui vont être capables tout seul, finalement, de rédiger leur programme de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Et dans ce cas-là, les donneurs interviennent en finançant telle ou telle partie de ce programme. Et leur influence est relativement limitée. Un pays comme le Vietnam est dans cette catégorie.


Et puis il y a des pays dans lesquels les institutions sont faibles et dans lesquels les donneurs sont appelés à être beaucoup plus présents dans la définition même des politiques. Et là, en effet, les donneurs ont une influence et une responsabilité importantes.

Je n'entrerai pas dans le débat libéral ou pas libéral, parce que je crois que le mot libéral est très mal utilisé en France. Je préfère dire qu'il est parfois tentant pour un donneur de penser qu'il a les solutions aux problèmes rencontrés par les bénéficiaires.


Toute notre expérience des dernières décennies doit nous amener à être beaucoup plus modestes, tout en assumant en même temps ce devoir de prescription, puisqu'il faut bien parvenir à intervenir, y compris dans les pays mal gouvernés. C'est un dilemme très difficile, et je crois qu'on s'efforce régulièrement de trouver de meilleures réponses.

3 Comments:

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