jeudi, avril 21, 2005

Des multinationales s'associent au financement du fonds mondial

L'argent, nerf de la guerre contre les pandémies

Par Christian LOSSON
mercredi 20 avril 2005


Mobiliser, toujours, «plus que jamais». Et pour cela, Richard Feacham, le directeur exécutif du Fonds mondial contre les pandémies, parle d'un «jour historique» pour qualifier le lancement, hier à Paris, des Amis du Fonds mondial Europe. Formule un brin démesurée pour un outil, même adoubé hier par la présence de deux ministres (Douste-Blazy, Santé, et Darcos, Coopération), destiné à «promouvoir le Fonds auprès de l'opinion publique européenne» ou à «sensibiliser le secteur industriel et commercial aux enjeux de solidarité internationale».

Vide. Pour oxygéner le Fonds mondial, qui, en deux ans d'existence, a lancé 300 programmes dans 127 pays, «il faut que les entreprises se mobilisent à leur tour», dit Michèle Barzach, présidente des Amis du Fonds Europe. Les fameux PPP (partenariat public-privé), vantés il y a deux ans ? C'est le vide, dénoncé même par un récent rapport du Forum économique mondial. L'an passé, moins de 4 % du cash du Fonds venait du privé. De fondations, en fait, comme celles de deux Bill (Gates et Clinton). «On a quand même deux ou trois firmes qui ont donné 1 million de dollars, assure Feacham, comme Winterthur ou Statoil. Mais c'est vrai, les PPP ne peuvent pas être que du cosmétique.»

Sur le papier, la cause n'est pas perdue. Il suffit de voir les PDG de multinationales membres du conseil d'administration de ces Amis du Fonds : Garnier (laboratoires Glaxo-Smith-Kline), Dehecq (Sanofi Aventis), Lauvergeon (Areva). Mais aussi Proglio (Veolia), qui tentait hier de montrer combien sa boîte, au Gabon, s'était convertie au double service public (eau et sida). Au Japon, Vodafone est de la partie. Aux Etats-Unis, c'est Jack Valenti, ex-président de l'association des producteurs de cinéma, qui dirige les Amis du Fonds. Il est aussi un fervent défenseur de la propriété intellectuelle qui bride l'essor des copies des médicaments à bas prix. «Les Amis du Fonds sont un réservoir prometteur de nouvelles ressources», répond Feacham.

Selon l'Onusida, il faudrait 20 milliards de dollars par an jusqu'en 2007. «On a besoin d'argent, confie Feacham. Il nous faut 2,3 milliards en 2005, 3,5 milliards en 2006... et 7,8 milliards en 2008.»

Joker. Comment y parvenir ? Par une double «révolution», souffle Feacham. D'abord, une prise de conscience des firmes et de l'impact du sida sur leurs salariés. Mais cela ne suffira pas. D'où le recours au joker : la carte de «nouvelles sources de financement», comme une taxe internationale. Une bouée de sauvetage toujours hypothétique. Surtout lorsqu'il s'agit, affirme Feacham, de faire «face au plus grand défi jamais rencontré par l'humanité». Une bombe à retardement : sida, tuberculose et paludisme tuent 16 400 personnes par jour.