mardi, avril 19, 2005

L`Afrique manque de grands économistes pour son développement

Ouagadougou, Burkina Faso, 18/04 - Le continent africain manque d`économistes de haut niveau capables d`analyser ses problèmes économiques en relation avec les dynamiques économiques et financières internationales, estime le directeur du Programme de troisième cycle interuniversitaire (PTCI) en Economie.

Interrogé par la PANA à Ouagadougou, le Pr Taladidia Thiombiano déclare que les économistes africains doivent être capables de conduire et interpréter des études et des analyses quantitatives sur le continent et souligne que : "le déficit des économistes en Afrique concerne tous les secteurs d`activités et vont au-delà des besoins universitaires".

Faisant le calcul des économistes formés chaque année par le PTCI, l`universitaire burkinabé conclut que 100 économistes titulaires du DEA (Diplôme d`études approfondies) par an pour 19 pays, "c`est peu puisque cela revient à moins de 6 diplômés par pays en moyenne".

L`ancien doyen de la Faculté des Sciences économiques et de Gestion de l`université de Ouagadougou plaide pour le prolongement du PTCI "dans le cadre d`un projet reformulé qui intègre les améliorations et les compléments nécessaires".

Créé en 1992 à l`Université d`Abomey-Calavi (l`ancienne université nationale du Bénin), le PTCI, qui regroupe dix-huit pays d`Afrique subsaharienne, a pour vocation de mettre à la disposition des économies nationales des économistes de très haut niveau et de palier leur insuffisance dans les universités et centres de recherches.

Outre le renforcement de la coopération universitaire Sud-Sud et Nord-Sud, l`objectif visé par le PTCI est d`améliorer le niveau des enseignants par des sessions de recyclage et de mise à niveau.

En dix ans d`existence, le PTCI a formé 800 étudiants titulaires du DEA et une vingtaine de Docteurs en Economie. Cette formation est basée sur trois options, dont la première est la macroéconomie appliquée avec trois spécialisations en monnaie, finance et banque.

Quant à la deuxième option, consacrée à l`économie des ressources humaines, ses étudiants sont spécialisés en économie du travail, de la santé et de l`éducation. L`économie industrielle, qui constitue la troisième option, donne droit à une spécialisation en économie de l`environnement et en économie industrielle.

Le taux de réussite académique est estimé à 94,4%.

Selon une enquête réalisée sur le devenir des étudiants du PTCI portant sur un échantillon de 10% de sept promotions, 98% des étudiants ont trouvé un emploi. 30,1% exercent dans l`enseignement supérieur et la recherche, 28,8% travaillent dans l`administration publique, 13,7% évoluent dans le secteur privé pendant que les projets, les organismes interafricains, internationaux et les ONG emploient 6,9% des produits du PTCI.

Toutefois, ajoute le Pr Thiombiano, dans les pays où la situation socioéconomique est instable, comme au Togo, les étudiants ont des difficultés pour s`insérer dans le marché de l`emploi.

A l`occasion du dixième anniversaire du PTCI, célébré les 14 et 15 avril derniers à Ouagadougou, une autre étude réalisée au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Niger et au Sénégal, notamment, indique qu`environ 95% des étudiants interrogés ont trouvé du travail à la fin de leurs études au PTCI.

Pour le Burkina Faso uniquement, tous les 65 étudiants interrogés sur les 120 qui ont été formés par le PTCI, disent avoir trouvé un emploi. "Le délai d`attente pour trouver le premier emploi est d`environ six mois si l`on en croit les jeunes diplômés burkinabé", commente le Pr Thiombiano, qui se dit satisfait des résultats obtenus.

Pour l`universitaire burkinabé, la formation au PTCI est bénéfique pour les Etats africains, car outre la faiblesse du coût (un étudiant burkinabé au PTCI coûte 6,5 millions de FCFA pour sa formation pour le DEA alors qu`il coûterait 10 millions de FCFA en France), cela permet d`éviter la fuite des cerveaux.

"Le fait aussi que les recherches soient faites dans le cadre des économies nationales et les résultats mis gracieusement à la disposition des pays est un avantage certains pour le continent", ajoute-t-il.

Avec un budget quinquennal de 3,4 milliards de FCFA sur une prévision de 6,5 milliards, le PTCI a été obligé d`amputer de son programme l`enseignement à distance. Néanmoins, la formation de cadres africains en gestion a été maintenue.

"L`entreprise privée, depuis l`avènement des Programmes d`ajustement structurel, constitue un volet très important dans le développement de la croissance économique. Et si nous n`arrivons pas à former de bons gestionnaires à mettre à la disposition du secteur privé africain, il est évident que nous allons continuer à avoir des entreprises chaotiques", prévient le Pr Thiombiano.

Le directeur du PTCI estime que l`Afrique a besoin de cadres compétents et compétitifs pour mener à bon port ses organes d`intégration telles que la BCEAO, la BEAC, la BAD ou encore le NEPAD.

Quant aux produits du PTCI, le Pr Thiombiano ne doute pas un instant de leur compétence et de leur compétitivité."Certains étudiants, qui sont allés aux Etats-unis d`Amérique pour poursuivre leurs études (notamment pour le PhD) ont été reconnus comme de très bons éléments, et les enseignants du Nord qui dispensent des cours au PTCI apprécient positivement nos étudiants parce qu`ils donnent les mêmes sujets et à la fin, certains déclarent que nos étudiants sont plus compétents", se félicite l`universitaire burkinabé.