mardi, mai 10, 2005

Nouveau pôle Sud-Sud

Arabes et Sud-Américains tentent de former un nouveau pôle Sud-Sud

AFP

Le premier sommet entre pays arabes et sud-américains s'est ouvert mardi 10 mai à Brasilia, au Brésil, en vue de donner naissance à une alliance nouvelle entre deux régions distantes mais qui veulent coopérer davantage sur le plan économique et politique.

Cette rencontre inédite rassemble une partie des dirigeants des 21 pays membres de la Ligue arabe, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et neuf des douze présidents des pays d'Amérique du Sud. Cinq pays arabes devaient être représentés par leur chef d'Etat (Algérie, Irak, Qatar, Djibouti et l'Autorité palestinienne) et trois (Syrie, Liban, Mauritanie) par leur premier ministre. Ce sommet prendra fin mercredi.

"Nous sommes devant une occasion historique de poser les jalons d'une forte coopération entre Amérique du Sud et monde arabe", a déclaré le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, à l'ouverture du sommet, rappelant que son pays était à l'origine de ce sommet dont l'objectif est de "travailler au rapprochement de deux régions lointaines".

Le sommet s'est ouvert sous la surveillance étroite de 9 000 policiers et militaires, dont des unités anti-émeutes. Selon des sources diplomatiques brésiliennes, le sommet sera divisé en deux parties. Les représentants des différentes délégations devaient avoir, dans un premier temps, des discussions sur la coopération économique bilatérale marquées notament par les interventions du président argentin, Nestor Kirchner, ainsi que du président algérien et président actuel de la Ligue arabe, Abdelaziz Bouteflika. Ils devaient ensuite débattre des moyens à mettre en place pour un rapprochement politique et culturel accru.

CONTRECARRER L'HÉGÉMONIE AMÉRICAINE

Les chefs de la diplomatie et hauts représentants des pays arabes et sud-américains ont en commun de vouloir contrecarrer l'hégémonie américaine et développer leurs débouchés commerciaux. Le ministre des affaires étrangères brésilien, Celso Amorim, a appelé à une "alliance entre les civilisations" rappelant les liens existant déjà, résultats de 150 ans d'immigration syro-libanaise en Amérique du Sud.

Le ministre d'Etat algérien Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président Abdelaziz Bouteflika - co-président du sommet avec le président brésilien Lula - a souhaité l'établissement d'une "coalition sur le plan culturel, économique et politique".


Le sommet devait aussi être l'occasion de faire un bilan des relations internationales, selon M. Belkhadem, qui a déploré les "tensions" au Moyen-Orient, citant la question palestinienne comme un point important abordé à Brasilia.

A ce propos, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a indiqué n'avoir rien à faire des préoccupations exprimées par Israël vis-à-vis du message politique du sommet. "C'est leur problème s'ils sont inquiets ou pas. S'ils veulent ne plus s'inquiéter, ils devront changer leur politique dans les territoires occupés, qui crée beaucoup de tensions", a-t-il indiqué.


SOUTIEN À LA CAUSE PALESTINIENNE

Selon des sources brésiliennes, les Etats-Unis, inquiets que le sommet ne se transforme en forum contre leur politique au Moyen-Orient et celle d'Israël, ont fait pression sur leurs alliés (Egypte, Maroc et Jordanie notamment, dont les dirigeants sont absents) afin de réduire l'impact de la rencontre.

Selon le projet de déclaration finale, les leaders apporteront également leur soutien à la cause palestinienne, s'inquièteront des sanctions imposées à la Syrie et critiqueront implicitement Israël pour sa politique nucléaire. Encore au stade d'ébauche, le texte pourrait reconnaître aussi "le droit des pays et peuples à résister à l'occupation étrangère", formule interprétée comme une critique de l'intervention américaine en Irak.

Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, a souligné que les pays arabes ont proposé un mécanisme de suivi et de coordination politique pour que le sommet "ne soit pas le premier et le dernier". "Ce doit être le début d'un partenariat économique et politique entre deux blocs du Sud qui ont des intérêts en commun", a-t-il déclaré.

Les membres de la Ligue arabe comptent sur leurs nouveaux alliés d'Amérique du Sud pour soutenir la candidature égyptienne à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Le Brésil, pays hôte du sommet, espère la réciproque le jour où il postulera à un siège permanent.

En contrepartie, les pays arabes sont disposés à accroître leurs échanges et leurs investissements dans la région.

En marge du sommet, afin d'encourager des échanges bilatéraux encore limités (10 milliards de dollars - 7,8 milliards d'euros - par an), le Brésil a organisé une foire réunissant 1 200 industriels dont 200 arabes. Beaucoup ont confié trouver en Amérique du Sud des produits plus compétitifs qu'en Europe ou aux Etats-Unis et un climat des affaires moins crispé vis-à-vis d'un monde arabe mal perçu depuis les attentats du 11 septembre 2001.