mardi, novembre 29, 2005

Financement pour les ruraux pauvres

par Calvin MillerFonctionnaire principal, Financements rurauxDépartement de l'agriculture de la FAO


Dans le monde en développement, les pauvres des zones rurales se comptent par millions, non pas parce qu'ils sont incapables de gérer leurs avoirs, mais tout simplement parce qu'ils n'en ont guère. Si les études montrent que les micro-entrepreneurs ruraux obtiennent des rendements élevés du capital qu'ils investissent, le problème est qu'ils n'ont pas accès à des fonds suffisants, ce qui veut dire que leur rémunération globale demeure faible, perpétuant ainsi le cycle de la pauvreté.
Un objectif fondamental du financement rural est de fournir à ces populations les fonds et les services financiers nécessaires pour multiplier leurs revenus et se fabriquer un avenir plus prospère. L'Année internationale du micro-crédit proclamée par l'ONU en 2005 a ouvert un dialogue entre les institutions de financement, les banques de développement, les gouvernements et les donateurs sur le rôle et le potentiel de la finance rurale - ce qu'elle peut accomplir, à qui la destiner et pourquoi elle n'est pas encore venue en aide à de nombreux ruraux pauvres.
Nouvel horizon. Autrefois, "la finance rurale" et le "crédit agricole" étaient employés indistinctement. Aujourd'hui, l'horizon s'est élargi: la réduction de la pauvreté rurale passe par l'investissement dans tous les aspects du développement rural, et non seulement de l'agriculture. Les activités dans les zones rurales engendrent des incitations économiques pour améliorer les infrastructures, ce qui relance la compétitivité de la production. Mais le développement ne peut avoir lieu que lorsqu'une zone rurale est à même d'attirer et de soutenir l'investissement rural, dans un environnement favorable, avec des produits et des services financiers adaptés, et des recettes attrayantes.
Les efforts déployés pour rendre les services financiers accessibles aux ménages ruraux pauvres doivent surmonter plusieurs problèmes critiques. Tout d'abord, les revenus ruraux sont fortement exposés aux risques systémiques, comme le mauvais temps et les maladies, et aux fluctuations cycliques et saisonnières des prix des denrées agricoles. Toute perte de revenu escompté a un impact considérable, et réduit la capacité d'épargne et d'emprunt.
Pour les fournisseurs de services financiers, le secteur rural est particulièrement à risque. La rentabilité de l'investissement est faible et les marges de profit sont souvent très basses. Les coûts d'exploitation sont élevés dans les zones reculées et, comme les garanties sont rarement disponibles, les prêteurs courent de plus grands risques. Le bas niveau de compétences réduit la capacité d'adoption de nouvelles technologies, ce qui affecte aussi bien la productivité que la compétitivité sur le marché. L'exclusion sociale limite également l'efficacité de la production et de la commercialisation.
Micro-crédit 2005
L'Année internationale du micro-crédit proclamée par l'ONU en 2005 oeuvre en faveur d'un micro-financement viable dans le monde entier. Elle souligne la contribution du micro-crédit et de la micro-finance à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement, la nécessité d'un secteur financier intégrant qui aide les populations à améliorer leurs conditions d'existence, et le potentiel souvent inexploité de l'esprit d'entreprise des communautés du monde entier. Actuellement, avec des prêts ne serait-ce que de 100 dollars, les micro-entrepreneurs créent des affaires prospères et font vivre leurs familles, ce qui porte à des économies locales solides et florissantes. Plus sur le site de l'Année du microcrédit 2005...

Enfin, des obstacles politiques et réglementaires se dressent, depuis l'ingérence politique et sociale- les prêts peuvent être annulés, l'épargne retenue, les taux d'intérêt plafonnés, les remboursements suspendus par décret- au régime foncier, aux lois du système bancaire, à la manipulation du taux de change et aux réglementations fiscales qui perturbent ou entravent la viabilité des affaires et des opérations financières dans les zones rurales.
En dépit de ces contraintes, les institutions de micro-finance ont introduit des innovations - principalement dans les zones urbaines, mais aussi en milieu rural- qui concrétisent les potentiels de la micro-finance dans de nombreux pays. De petits prêts afin de constituet un fonds de roulement destinés au petit commerce, à la production artisanale et aux micro-entreprises constituent une part de plus en plus importante des portefeuilles des institutions de micro-finance, tandis que les produits d'épargne rurale répondent à un besoin important. La micro-finance a servi à reconnaître la multiplicité des besoins financiers des ménages - non seulement pour le crédit à la production, mais aussi pour couvrir les frais de scolarité, les dépenses sanitaires et le logement, et pour les services comme les envois de fonds, les points d'épargne accessibles et l'assurance.
La micro-finance a souvent fait fonction de précurseur dans les questions d'équité sociale, ethnique et entre les sexes, qui gardent les familles ancrées dans la pauvreté. Dans les pays où prédomine l'agriculture de subsistance, améliorer l'accès des femmes à la finance rurale a favorisé leur autonomisation, l'égalité et les conditions d'existence pour ces femmes et leurs familles.
Une vision pour l'avenir. Le rôle de la finance rurale dans la réduction de la pauvreté et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement signifie qu'elle demeurera au premier rang des priorités pour les gouvernements, les donateurs et, bien entendu, les ménages ruraux. Sur la base des estimations actuelles, nous prévoyons d'importants changements dans la fourniture de produits et services au cours de la prochaine décennie.
Dans les pays où la micro-finance et ses institutions opèrent de longue date, on assistera à un remembrement du secteur et à une tendance marquée vers une série complète de services: les produits individuels de prêt et les services des banques agricoles réservés au crédit seront remplacés par des possibilités d'épargne, des envois de fonds et des assurances. Vu l'insuffisance des pourvoyeurs pouvant offrir une palette efficace de services, les institutions devront contacter des sociétés spécialisées (pour l'assurance, le leasing, le capital-risque, etc.) et des organisations spécialisées comme les ONG et les groupes d'auto-assistance qui facilitent leur diffusion dans les zones rurales. Pour une utilisation efficace des services financiers, il faudra en outre resserrer les liens avec la formation, la technologie, la commercialisation et les services aux entreprises.
Le capital des donateurs destiné aux prêts deviendra relativement insignifiant. Les institutions de micro-finance seront financées en grande partie par l'épargne des clients, les fonds d'investissement, les titres et les obligations gagnant également du terrain. La finance subventionnée disparaîtra pratiquement. L'intégration verticale accrue de la production et de la commercialisation, associée à des systèmes d'information perfectionnés et à une meilleure réglementation, se traduiront par une plus grande intégration et compréhension des financements liés au commerce. Le recours à l'agriculture contractuelle, au crédit sur les stocks, aux contrats à terme et au crédit-bail devrait s'intensifier. La gestion des risques demeurera une question centrale, mais elle s'améliorera aussi, grâce à la diversification des portefeuilles et de la clientèle, et à une meilleure analyse et collecte d'informations. L'utilisation de produits d'assurance rendra les risques systémiques et uniques de la finance rurale moins aléatoires.

Finance rurale en ligne
Avec le FIDA, GTZ et la Banque mondiale, la FAO a lancé un Centre d'apprentissage de finance rurale en ligne. Le site contient une base de ressources classées par thèmes, des cours en ligne et des manuels pour les programmes de formation. Les utilisateurs peuvent suggérer de nouvelles ressources, prendre part aux discussions et en savoir plus sur les possibilités de formation et les manifestations portant sur la finance rurale. L'accent est mis sur le partage d'expériences et l'information sur les innovations pertinentes. Visiter le Centre...
Que signifieront ces changements pour les principaux acteurs du financement rural d'aujourd'hui? Les banques de développement agricole et rural axées sur le crédit sont en baisse persistante, bien qu'elles continuent à jouer un rôle important dans certains pays. De nombreuses ONG cesseront d'avoir un rôle direct dans l'octroi de financements ruraux et se concentreront en revanche sur le renforcement des capacités et les questions sociales. Pour les donateurs, il s'agit d'une réorientation de l'octroi d'emprunts vers l'élaboration d'un système financier rural et un renforcement des capacités. La participation du gouvernement aux financements ruraux diminuera mais son rôle de réglementation et de supervision s'intensifiera au fur et à mesure de l'évolution du secteur. Le résultat final pour les clients, y compris les ruraux pauvres, sera un meilleur accès à toute une panoplie de services financiers et complémentaires, à un coût plus abordable.
Clients "bancables". L'Année du micro-crédit a aidé à dissiper la notion que les pauvres ont un comportement "irresponsable avec l'argent". Au contraire, elle a confirmé que non seulement ce sont des clients dits "bancables", mais un marché financier très important et largement inexploité. En dépit de leur manque de sources traditionnelles de nantissement, les micro-entrepreneurs démontrent que la "pression du groupe", ainsi que l'intérêt personnel en une source durable de fonds, suffisent généralement à garantir des taux de remboursement très élevés.
La FAO et d'autres partenaires de développement soutiennent les organisations rurales et de micro-finance souhaitant avoir voix au chapitre en matière de réduction de la pauvreté, de croissance économique et d'autonomisation sociale. De tels partenariats requièrent de la transparence et une responsabilité financière, une normalisation des méthodes de rapports et un partage des leçons tirées. L'avenir s'annonce plein d'espoir - la finance rurale et les autres outils qui peuvent faire la différence existent et font l'objet d'améliorations constantes. Ensemble, nous pouvons transformer cette vision en réalité.


Voir aussi en Focus:

Agro-industrie et petits producteurs et L'agriculture sous contrat en Asie
En savoir plus sur les programmes de la FAO sur la Finance rurale

Publié en novembre 2005