jeudi, juin 23, 2005

La microfinance cherche les moyens de "changer d'échelle"

La microfinance, qui permet à des millions de démunis d'avoir accès au crédit, doit trouver de nouveaux moyens financiers et humains si elle veut contribuer à une réduction durable de la pauvreté dans le monde, ont affirmé, lundi 20 juin, les participants à une conférence internationale sur le sujet organisée à Paris.



"La microfinance doit changer d'échelle. Passer de quelques dizaines de millions de bénéficiaires aujourd'hui à plusieurs centaines demain", a déclaré le président français, Jacques Chirac, en ouvrant la conférence "Elargir l'accès à la microfinance" qui a réuni ministres, banquiers, ONG, bailleurs de fonds et acteurs du développement. La microfinance s'adresse aux quelque trois milliards de personnes - la moitié de l'humanité - qui n'ont pas accès aux services financiers des banques.


Le professeur d'économie bangladeshi Muhammad Yunus, père de la microfinance moderne, a notamment présenté son initiative, la Grameen Bank, créé en 1983 dans son pays pour prêter aux paysans pauvres (Grameen signifie "village"). Depuis cette date, quelque 4,2 millions de personnes - dont 96% de femmes - ont emprunté à cette banque des sommes pouvant être inférieures à 10 dollars.


Aujourd'hui, la Grameen Bank dispose de quelque 1 400 succursales dans tout le Bangladesh. En 2004-2005, elle a prêté 454 millions de dollars à de petits entrepreneurs, mais aussi à des étudiants et même à des mendiants. Comme souvent en matière de microfinance, ses taux d'intérêt sont supérieurs à ceux en vigueur sur le marché : "Nous prenons 20 % pour les crédits qui financent des activités génératrices de revenus, 8 % pour les prêts immobiliers, 5 % pour les prêts étudiants, et pas d'intérêts pour les prêts aux mendiants", précise M. Yunus.

"LIBÉRER LE POTENTIEL DE LA MICROFINANCE"

Sur le modèle de la Grameen, des institutions de microfinance (banques, caisses populaires, crédit mutuel, sociétés villageoises...) ont vu le jour en Afrique et en Amérique latine. Selon les estimations, quelque 60 millions de personnes, dont 60% de femmes, bénéficient aujourd'hui dans le monde des services des institutions de microfinance, avec des prêts qui varient de 15 à 1 000 dollars.

Ces institutions peuvent elles-mêmes recevoir des subventions des agences de développement des pays riches. "Dans l'avenir, l'argent devrait venir de l'épargne locale. On a commencé avec le crédit. L'optique de collecte de l'épargne est récente. Deuxièmement, pour capter l'épargne, il faut avoir un statut légal et être supervisé par les banques centrales. Mais cela commence à changer", explique Alexia Latortue, du CGAP (Groupe consultatif d'assistance aux plus pauvres), un consortium qui réunit 30 agences de développement dans le monde.


Pour "libérer le potentiel de la microfinance", le chef de l'Etat français a aussi rappelé qu'il fallait "un cadre légal fiscal et adapté". M. Chirac a suggéré d'"adapter les normes bancaires nationales et internationales aux réalités de la microfinance".

Ex-conseiller du président socialiste François Mitterrand et actuel responsable de l'organisation d'aide au microcrédit Planetfinance, Jacques Attali a également plaidé pour "la professionnalisation, l'augmentation des bailleurs de fonds, et la participation des banques commerciales".


De l'avis général, la microfinance n'est cependant pas la "panacée" pour remplir les objectifs du millénaire de l'ONU (réduire de moitié le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté d'ici à 2015), qui a décrété 2005 "année internationale du microcrédit". "Elle ne remplace pas un haut niveau d'aide publique", a affirmé Nemat Shafik, du DFID, l'agence de développement britannique.