jeudi, juin 23, 2005

Le microcrédit est devenu un instrument financier mature

Des prêts de quelques euros constituent souvent un levier de la lutte contre la pauvreté


Et si le microcrédit était l'une des clés du développement des pays du Sud ? Ces petits prêts - parfois de quelques dizaines d'euros -, destinés aux populations les plus démunies pour qu'elles développent leur petite entreprise profitent aujourd'hui à 60 millions de personnes dans le monde. Alors que la moitié de la population mondiale n'a pas accès aux services bancaires, selon l'Organisation des Nations unies (ONU), ces instruments financiers se révèlent être des leviers de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. « L'accès à ces crédits permet aux plus pauvres de créer leur propre emploi par l'achat d'un outil de travail ou l'ouverture d'une échoppe sur un marché », explique Luc Rigouzzo, directeur du département financier et du développement du secteur privé de l'Agence française de développement, qui organise, le 20 juin à Paris, une conférence internationale sur les enjeux et les acteurs de la microfinance.

De la petite banque locale tenue par les villageois aux structures d'envergure nationale, le nombre d'institutions de microfinance (IMF) est évalué à 10 000 dans le monde. Toutes ont en commun de fournir des services financiers à une clientèle plus pauvre et plus vulnérable que celle des banques classiques. Elles accordent chaque année entre 500 millions et 1 Milliard de dollars de prêts dont les montants varient de 25 à 1 000 dollars. Et permettent aux emprunteurs d'avoir une source de revenu stable. Mais les besoins sont énormes. On estime à 500 millions le nombre de micro-entrepreneurs dont le besoin annuel de financement, de quelques centaines d'euros, ne peut être satisfait. « Les pays pauvres ont droit à des services financiers sûrs et de bonne qualité. Sans ces modes de financement, il sera difficile de réduire efficacement la pauvreté dans le monde », affirme Christina Barrineau, chargée pour les Nations unies de la coordination de l'Année du microcrédit, qui se déroulera tout au long de 2005.

En trente ans, ces dispositifs d'aide ont évolué. A l'origine, le microcrédit se bornait à consentir des prêts, mais il s'est diversifié en une gamme de services financiers non bancarisés comme les produits d'épargne, l'assurance, les garanties, le transfert d'argent... « Ces services répondent au besoin de se protéger, tout en garantissant des liquidités accessibles à tout moment », explique M. Rigouzzo. Ces modes de financements sont particulièrement utiles aux femmes. Dans certains pays comme le Bangladesh, celles-ci constituent 90 % des micro-emprunteurs. La microfinance a contribué à leur insertion et amélioré leurs conditions de vie, selon la Banque mondiale, qui insiste sur les effets directs en matière de scolarité et de qualité de l'alimentation. Plusieurs établissements de microfinance ont d'ailleurs choisi de s'adresser prioritairement aux femmes, comme le Women World Banking.

L'une des raisons du développement de ces institutions est leur viabilité. Grâce au suivi dont bénéficient les emprunteurs, ces structures font valoir de très bons taux de remboursement. Ce qui a amené les banques classiques à s'intéresser à ces procédés. Ainsi d'HSBC qui, après s'être investi dans un projet de microfinance en Chine, vient de sceller une alliance avec une IMF présente au Royaume-Uni et aux Philippines. Le partenariat vise à transférer à moindre coût l'argent de travailleurs philippins vers leur famille restée au pays. Du fait de ce développement, plusieurs agences de notation financière spécialisées sont apparues ces dernières années, comme MicroRate ou PlaNet Finance. Même les géants du secteur, comme Standard's & Poors ou Moody's, ont enrichi leur portefeuille clients d'institutions de microfinance.

Malgré ces réussites, de nombreuses institutions de microfinance ont encore besoin de fonds publics pour fonctionner. « Ce soutien reste nécessaire pour qu'il n'y ait pas de fracture entre les populations les plus reculées et celles qui ont un accès facilité au microcrédit », précise Bernd Balkenhol, chef du Programme finances et solidarité du Bureau international du travail.

Jorge Carasso