samedi, août 12, 2006

FMI, G8, OMC, Banque mondiale : à quoi bon ?

FMI, G8, OMC, Banque mondiale : à quoi bon ?
LE MONDE | 12.08.06


'économie mondiale se porte bien. Les institutions internationales chargées de la piloter beaucoup moins.

Le Fonds monétaire international, pour commencer, traverse une passe difficile. Sur le plan financier, il se retrouve fragilisé par la baisse du nombre des accords de prêts d'où il tire ses revenus. Enrichis par la flambée des matières premières, les pays émergents dégagent des excédents records, accumulent des réserves de change colossales et remboursent avec empressement leurs dettes héritées des crises du passé.


L'Indonésie a reversé fin juin 4 milliards de dollars, comme l'avaient fait six mois plus tôt l'Argentine (9 milliards) et le Brésil (15 milliards). "Le FMI devrait, amusante perspective, être amené à subir un ajustement structurel aussi pénible que ceux qu'il prescrit généralement à ses clients", note l'économiste Barry Eichengreen.

Sur le plan stratégique, le FMI louvoie. Il cherche à associer les pays pauvres à ses décisions mais en se gardant de déplaire aux riches - par exemple en imposant aux Etats-Unis, grands actionnaires du Fonds, qu'ils prennent des mesures pour réduire le déséquilibre de leurs comptes.

La Banque mondiale n'est guère plus vaillante. De nombreux cadres de l'institution ne se sont toujours pas remis de la nomination à sa tête, il y a un an, du secrétaire adjoint américain à la défense, Paul Wolfowitz, dans un rôle de composition osé. Ils continuent de s'interroger sur la sincérité de ce proche de George Bush lorsque, comme il vient de le faire, il s'en prend violemment à la Maison Blanche, accusée de baisser sa contribution pour l'aide aux pays pauvres.

Le G8, pour sa part, est un peu plus déconsidéré après chacune de ses réunions, devenues, selon l'économiste Charles Wyplosz, "des cirques médiatiques sans contenu, dont le principal défi est de garder à distance les manifestants antimondialisation". Encore le G7 était-il auparavant un club de riches, mais de riches libres et démocratiques. Depuis que la Russie l'a rejoint, il n'a même plus cette vertu.

Quant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), elle est en crise ouverte. Les dernières négociations ont échoué, sans qu'on sache exactement pourquoi ni à cause de qui. Peut-être tout simplement à cause de la complexité insurmontable que représente le fait de négocier simultanément des centaines de tarifs douaniers pour 150 pays. Ou encore en raison de "l'incroyable manque de données fiables et systématiques sur les subventions", selon l'aveu même de son directeur général, Pascal Lamy, sur lesquelles s'écharpent Américains et Européens.

Bref, la gouvernance mondiale est au plus mal. Les leçons qu'on en tire dépendent directement du siège idéologique sur lequel on est assis. Pour les altermondialistes, il s'agit là d'une excellente nouvelle. Ils ont toujours considéré ces institutions internationales comme asservies aux intérêts des pays riches, des grandes multinationales, cheval de Troie des thèses néolibérales. Ce n'est pas leur meilleur fonctionnement qu'ils souhaitent, c'est leur disparition.

Les ultralibéraux, de leur côté, ne pleurent guère. Pour eux, le fait que ces organisations, sans légitimité démocratique, soient en crise alors même que l'économie mondiale va bien constitue une preuve supplémentaire que la seconde n'a guère besoin des premières pour fonctionner. Au contraire.

D'autres, enfin, s'inquiètent. Ils craignent que les déboires de ces institutions, dont le point commun est de promouvoir l'ouverture des économies, ne laissent présager un retour en force du protectionnisme, des égoïsmes nationaux ou régionaux. En un mot, qu'ils soient le signe avant-coureur inquiétant d'un grand renfermement économique.

Pierre-Antoine Delhommais