samedi, avril 04, 2009

Qu'est-ce que la titrisation ?

LA CRISE des hypothèques à risque (subprimes) qui a éclaté en 2007 notamment aux Etats-Unis, a terni le concept de titrisation, qui date de plusieurs décennies.

La titrisation consiste à regrouper certains types d’actifs pour les restructurer en titres portant intérêts. Le paiement des intérêts et du principal sur ces actifs est transféré à l’acheteur des titres.

La titrisation a commencé dans les années 70, quand les agences spécialisées appuyées par le gouvernement des États-Unis ont regroupé les hypothèques immobilières. À partir des années 80, on a commencé à titriser d’autres actifs générateurs de revenu et, ces dernières années, le marché a connu une croissance spectaculaire.

Sur certains marchés, comme ceux des titres adossés à des hypothèques à risque aux États-Unis, la dégradation inattendue de la qualité de certains des actifs sous-jacents a miné la confiance des investisseurs. L’ampleur et la durée de la crise du crédit qui en résultent semblent montrer que la titrisation, combinée à une mauvaise distribution du crédit, à des méthodes d’évaluation inadéquates et à un contrôle réglementaire insuffisant, pourrait porter un coup très grave à la stabilité financière.

Un nombre croissant d’institutions financières utilisent la titrisation pour transférer le risque de crédit sur les actifs qu’elles émettent de leur bilan à celui d’autres institutions, comme les banques, les compagnies d’assurances et les fonds spéculatifs. Les raisons en sont diverses. Il est souvent moins coûteux de mobiliser de l’argent par la titrisation, et les actifs titrisés revenaient moins
cher aux banques parce que les autorités de réglementation ne leur appliquaient
pas les mêmes normes qu’aux actifs sous-jacents. En principe, cette méthode consistant à «initier et distribuer» a aussi apporté de grands avantages économiques
en étalant le risque de crédit, réduisant ainsi la concentration du risque et les
vulnérabilités systémiques.

Jusqu’à l’éclatement de la crise du crédit à risque, la titrisation semblait avoir des effets modérés et positifs. Pourtant, d’aucuns lui reprochent de réduire l’incitation des initiateurs à respecter des normes minimales de prudence en matière de crédit, de gestion du risque et d’investissement, à une époque où les faibles rendements des titres de créance classiques, les taux de défaillance défaillance historiquement bas et la facilité d’accéder aux instruments de couverture encourageaient les investisseurs à prendre plus de risques pour obtenir un meilleur rendement. Beaucoup de prêts n’étaient pas comptabilisés dans le bilan de ceux qui les titrisaient, ce qui a peut-être encouragé les initiateurs à trier et surveiller moins strictement les emprunteurs, avec pour conséquence éventuelle une dégradation systématique des normes de prêt et de garantie.

La titrisation : mode d’emploi

Sous sa forme la plus simple, le processus comporte deux étapes(voir graphique).

Dans la première, une société qui détient des créances ou d’autres actifs générateurs de revenu — l’initiateur — choisit les actifs qu’elle veut enlever de son bilan et les regroupe dans ce qu’on appelle un portefeuille de référence. Elle vend ensuite ces actifs à un émetteur, par exemple une entité à vocation spéciale (EVS), souvent créée par une institution financière pour acheter les actifs et effectuer leur traitement juridique et comptable hors bilan. Dans la seconde étape, l’émetteur finance l’acquisition des actifs groupés en mettant sur le marché des titres rémunérés négociables qui sont vendus à des investisseurs sur le marché des capitaux. Ceux-ci reçoivent des paiements à taux fixe ou flottant depuis un compte fiduciaire financé par le produit du portefeuille de référence. Dans la plupart des cas, l’initiateur assure le service des prêts du portefeuille, collecte les paiements
des emprunteurs initiaux et les transmet, moyennant une commission, à la structure ou au fiduciaire. Au fond, la titrisation est une source de financement alternative et diversifiée fondée sur le transfert du risque de crédit (et peut-être aussi du risque de taux d’intérêt et de monnaie) de l’émetteur à l’investisseur.

Selon une formule récente plus raffinée, le portefeuille de référence est divisé en plusieurs tranches, dont chacune comporte un niveau de risque différent et est vendue séparément. Le retour sur investissement (remboursement du principal et des intérêts) et les pertes sont répartis entre les diverses tranches selon leur rang.

Par exemple, la tranche la moins risquée a la première créance sur le revenu produit par les actifs sous-jacents, et la plus risquée a la dernière créance. La structure classique de titrisation a trois paliers : junior, mezzanine et senior. Cette structure concentre les pertes attendues sur la tranche junior, ou position de premier risque, qui est généralement la tranche la plus petite, mais celle qui supporte la plus grande part du risque de crédit et reçoit le rendement le plus élevé. Il n’y a guère d’anticipation de perte sur les tranches senior, qui sont très sensibles à l’évolution de la qualité des actifs sous-jacents parce que les investisseurs financent souvent leur achat par l’emprunt. Cette sensibilité a été la source des difficultés du marché hypothécaire à risque l’an dernier. Quand les tranches les plus risquées ont connu des problèmes de remboursement, la crise de confiance s’est propagée aux détenteurs des tranches senior, suscitant chez les investisseurs la panique et la fuite vers des actifs plus sûrs, et entraînant une braderie de la dette titrisée.

Initialement, la titrisation servait à financer des actifs autoamortissables simples comme les hypothèques. Mais on peut structurer tout actif ayant une trésorerie stable en l’insérant dans un portefeuille de référence qui appuie la dette titrisée.

Les titres peuvent être adossés à des hypothèques, mais aussi à des emprunts d’entreprise et d’État, au crédit consommation, au financement de projets, à des créances d’exploitation ou sur baux financiers, et à des accords de prêt personnalisés. On désigne ces instruments par le terme générique «titres adossés à des actifs (TAA)», sauf les transactions adossées à des hypothèques (résidentielles ou commerciales), que l’on appelle «titres adossés à des créances hypothécaires»
(TACH). L’obligation structurée adossée à des emprunts en est une variante qui utilise la même technique que les TAA, mais comporte une gamme d’actifs plus large et plus variée.

L’attrait de la titrisation

La titrisation a d’abord été un moyen pour les institutions financières et les entreprises de trouver de nouvelles sources de financement, soit en retirant des actifs de leur bilan soit en y adossant leurs emprunts pour refinancer leur émission au juste taux du marché. Elle réduisait le coût de leurs emprunts et, dans
le cas des banques, abaissait le niveau de fonds propres exigé.

Supposons, par exemple, qu’une société de crédit-bail ait besoin de liquidités. Dans la procédure normale, elle ferait un emprunt ou vendrait des obligations. Sa capacité de le faire, et le coût, dépendraient de sa solidité financière globale et de sa cote de crédit. Si elle trouve des acheteurs, elle peut vendre directement
certains des contrats, transformant ainsi des rentrées futures en liquide. Le problème est qu’il n’existe presque pas de marché secondaire pour les baux individuels. En les regroupant, la société peut lever des fonds en vendant le tout à un émetteur qui, à son tour, le transforme en titres négociables.

En outre, les actifs sont dissociés du bilan de l’initiateur (et de sa cote de crédit), permettant aux émetteurs de lever des fonds pour financer l’achat des actifs à un coût moindre que si l’on prenait seulement en compte la solidité du bilan de l’initiateur.

Par exemple, une société ayant une cote globale «B» et détenant des actifs cotés «AAA» pourrait trouver des fonds avec une note «AAA», et non «B» en titrisant ses actifs. Contrairement à la dette classique, la titrisation n’augmente pas le passif de la société, mais produit des fonds pour l’investissement sans accroître le bilan.

La titrisation n’offre pas seulement aux investisseurs un nombre plus grand d’actifs à investir. Sa flexibilité permet aussi aux émetteurs d’adapter la structure des risques et des gains des tranches à la tolérance du risque par les investisseurs.

Par exemple, les fonds de pension et autres organismes de placement collectif ont besoin d’une gamme variée d’instruments à revenu fixe et à long terme bien cotés qui dépassent ce que les émissions de dette publique peuvent offrir. Si la dette titrisée est négociée, les investisseurs peuvent, à un faible coût de transaction, ajuster rapidement leur exposition aux actifs sensibles à la notation selon l’évolution de leur sensibilité au risque, le sentiment du marché et les préférences de consommation.

Parfois, les initiateurs ne vendent pas simplement les titres à l’émetteur («titrisation par cession authentique»), mais cèdent seulement le risque de crédit associé aux actifs sans transférer le titre de propriété («titrisation synthétique»). La titrisation synthétique permet aux émetteurs d’exploiter les différences entre le prix des actifs achetés (souvent illiquides) et celui que
les investisseurs sont prêts à payer (si les titres sont diversifiés dans un vaste ensemble d’actifs).

La croissance de la titrisation

La titrisation a beaucoup changé pendant la dernière décennie.

Elle n’est plus liée à des actifs traditionnels assortis de conditions spécifiques comme les hypothèques, les prêts bancaires ou les prêts à la consommation (actifs auto-amortissables). Les progrès de la modélisation et de la quantification du risque, ainsi que la multiplication des données disponibles, ont encouragé les émetteurs à utiliser une gamme plus large de types d’actifs, y compris les prêts
gagés sur biens immobiliers, les créances sur baux financiers et les prêts aux PME. Bien que la plupart des émissions soient concentrées sur les marchés développés, la titrisation a aussi connu un vif essor dans les marchés émergents, où des entreprises et des banques puissantes et bien cotées l’utilisent pour transformer en liquidités disponibles le flux de trésorerie futur provenant des créances à
l’exportation ou les envois de fonds libellés en devises fortes.

Il est probable que les produits titrisés se simplifient à l’avenir.

Après des années où les émetteurs ne constituaient presque pas de réserve pour couvrir une dette titrisée bien cotée, ils feront bientôt face à des changements réglementaires exigeant des charges financières plus élevées et une évaluation plus profonde. Pour relancer les transactions de titrisation et rétablir la confiance des
investisseurs, il faudra peut-être obliger les émetteurs à conserver une participation aux résultats des actifs titrisés à chaque niveau de priorité, et plus seulement au niveau inférieur.

Par Andreas Jobst est économiste au Département des marchés.
monétaires et de capitaux du FMI.

G20 : quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale

G20 : quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale
LE MONDE | 03.04.09
Londres, envoyés spéciaux


Le Groupe des 20 (ou G20) est un forum économique qui a été créé en 1999, après la succession des crises financières dans les années 1990.

Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d’un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays.

Le G20 représente les deux tiers du commerce et de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde).

Les membres du G20 sont représentés par les ministres des finances et les directeurs des banques centrales des 19 pays suivants :

1) Allemagne ;
2) Afrique du Sud ;
3) Arabie saoudite ;
4) Argentine ;
5) Australie ;
6) Brésil ;
7) Canada ;
8) Chine ;
9) Corée du Sud ;
10)États-Unis ;
11)France ;
12)Inde ;
13)Indonésie ;
14)Italie ;
15)Japon ;
16)Mexique ;
17)Royaume-Uni ;
18)Russie ;
19)Turquie.
20)l'Union européenne : L’Union européenne est représentée par le Président du conseil et celui de la Banque centrale européenne, ce qui explique le nom de G20.

Les membres du G8 appartiennent au G20 + 11 pays à économies émergentes.

Des décisions et un signal politique fort.

Le sommet du G20, qui réunissait jeudi 2 avril 2009 à Londres les dirigeants des principales puissances de la planète, a fait coup double.

Le G20 a pris quatre orientations décisives pour essayer de sauver l'économie mondiale :
- de l'argent,
- de nouvelles règles,
- des institutions internationales renforcées et
- l'admission des pays émergents à la table des pays riches.


Un sujet n'a pas été abordé : les grands déséquilibres monétaires, budgétaires et commerciaux, qui sont aussi à l'origine de la crise. "Je ne vais pas gâcher la fête du G20", grommelle un banquier central.

Jeu collectif des chefs d'Etat et de gouvernements. "Personne n'a eu de volonté de leadership. Tout le monde est dans le même bateau. C'est la nouveauté", a assuré Nicolas Sarkozy. "Il s'agit d'un compromis historique pour une crise exceptionnelle", s'est réjoui la chancelière allemande Angela Merkel.

L'implication du président américain Barack Obama, qui a plus joué les médiateurs que les leaders, les concessions du président chinois Hu Jintao et la présidence du premier ministre britannique, Gordon Brown, ont été décisives dans le succès d'une réunion saluée par les marchés financiers. "Le monde s'est rassemblé pour combattre la récession, pas avec des mots, mais avec des réformes", a saluél'hôte du sommet.

Mobilisation de moyens pour éviter la syncope financière. M. Brown s'est réjoui de pouvoir afficher le chiffre colossal de 1 000 milliards de dollars (745 milliards d'euros) supplémentaires à injecter dans l'économie mondiale. Il ne s'agit pas de plans de relance nationaux supplémentaires, comme en rêvait M. Brown : l'Allemagne et la France n'en ont pas voulu. "Jamais il n'y a eu un tel plan de relance économique coordonné au niveau mondial", a jugé Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI).

Mais il a été décidé de faire plus en mettant à la disposition des pays les plus en difficulté de nouveaux moyens financiers via les organisations internationales.

Le FMI va ainsi voir ses moyens tripler à 750 milliards de dollars. Quelque 250 milliards seront financés par de la création monétaire, en clair la planche à billets.

Mise à l'index des paradis fiscaux et contrôles accrus pour les fonds spéculatifs. Pendant que M. Brown parlait "relance", "croissance", "emploi", M. Sarkozy préférait détailler les mesures les plus techniques prises par le G20, relatives aux contrôles accrus sur les agences de notation et les hedge funds (fonds spéculatifs), ou à la comptabilité.

Les dirigeants du G20 ont également accepté la publication, jeudi même, par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), de la liste des paradis fiscaux non coopératifs, satisfaisant ainsi la demande de la France et de l'Allemagne. Le communiqué final du sommet affirme que "l'ère du secret bancaire est terminée" et que "des sanctions" seront prises contre les centres fiscaux non coopératifs.

Renforcement des moyens et pouvoirs des institutions internationales. Les dirigeants des institutions internationales triomphaient eux aussi. "C'est le grand retour du FMI", se glorifie à plusieurs reprises son directeur général M. Strauss-Kahn.

Les banquiers centraux vont eux voir les pouvoirs de leur Forum de stabilité financière (FSF) renforcés. Cette organisation, invitée à détecter les risques financiers, va devenir "une organisation mondiale de la finance", selon l'expression de M. Sarkozy.

Enfin, le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy a lui aussi tout loisir d'être satisfait : les dirigeants de la planète ont pris rendez-vous en juillet en Sardaigne, dans le cadre du G 7 élargi aux grands émergents, pour débloquer le cycle de négociation commerciale de Doha, lancé en 2001 et enlisé depuis.

Prise en compte de la mondialisation dans les "organes" de décision. Le quatrième grand acquis du sommet concerne les rapports de force sur la planète. "Le G20, ce n'est pas le G7 des pays industrialisés élargi", expliquent les responsables allemands. C'est autre chose, un monde où les pays émergents ont leur place et jouent le jeu.

Le nouveau cercle connaît quelques frictions, lorsque les occidentaux mettent en avant les organisations dont les émergents contestent la légitimité, comme l'OCDE, car ils n'en font pas partie. Mais la Chine, l'Inde, le Brésil ont besoin des consommateurs occidentaux et ne peuvent laisser s'écrouler l'économie mondialisée.

Cela mérite des concessions. Ils ont accepté un renforcement des moyens du FMI sans obtenir immédiatement les droits de vote auquel leur poids économique leur donne droit. Mais c'est promis, cela sera changé d'ici à 2011.

Absence de discussion sur les déséquilibres monétaires, budgétaires. Dans l'euphorie, il est un sujet qui n'a été abordé que du bout des lèvres, celui d'avoir des finances publiques saines à long terme. Les Allemands s'en inquiètent, qui estiment que rien ne sert de faire des dépenses supplémentaires. Au lieu de rétablir la confiance, on va finir par faire réapparaître le spectre de l'hyperinflation.

Le G20 n'a pas non plus parlé taux de changes. "C'était prendre le risque de ne rien obtenir sur la régulation", estime M. Sarkozy, qui compte "se battre" pour le mettre à l'ordre du jour du prochain G20.

Après celle de Washington en novembre 2008 et de Londres, une troisième réunion a été convoquée dans la foulée de la prochaine assemblée générale de l'ONU à New York en septembre. Le temps des G7 est révolu.



Arnaud Leparmentier, Virginie Malingre et Anne Michel

Le Fonds monétaire international placé au centre de la régulation mondiale

Le Fonds monétaire international placé au centre de la régulation mondiale
LE MONDE | 03.04.09 | 14h23


ominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), et son équipe ont gagné. En panne de moyens financiers, de missions et de légitimité il y a seulement deux ans, le Fonds se trouve propulsé par le G20 au poste de superviseur de l'économie et de la finance mondiales. C'est à bon droit que son directeur général a pu, le 2 avril, se féliciter du renforcement du rôle de surveillance du FMI et de la nouvelle "puissance de feu" financière consentis à son institution.


Car les 20 pays les plus puissants du monde ont reconnu la prééminence du Fonds dans la lutte contre la crise en le dotant de nouveaux moyens d'intervention. Le triplement de ses réserves, qui passeront de 250 milliards de dollars à 750 milliards (560 milliards d'euros), lui permettra de faire face même aux effondrements monétaires et financiers de pays de taille moyenne. A ce jour, ses débiteurs se recrutent essentiellement parmi des économies peu développées comme le Malawi ou de petite taille comme l'Islande.

La formule choisie devrait être souple et les pays qui apporteront les 500 milliards de dollars supplémentaires le feront sous la forme de lignes de crédit géantes sur lesquelles le Fonds tirera les sommes nécessaires, comme cela a déjà été décidé, en janvier, pour les 100 milliards de dollars apportés par le Japon.

Autre forme de soutien aux pays étranglés par la crise, le FMI pourra allouer 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) à ces 185 membres qui auront la faculté de se les prêter entre eux s'ils n'en ont pas l'usage.

L'annonce par Gordon Brown de l'autorisation donnée au FMI de vendre 403,3 tonnes d'or n'est pas une nouveauté, puisque cette vente était décidée depuis un an pour en finir avec le déficit récurrent du FMI. Seule la mauvaise volonté américaine bloquait l'opération. La meilleure santé financière du Fonds semble avoir permis d'affecter environ la moitié du produit de cette future vente, soit 6 milliards de dollars, à de nouveaux prêts à des taux très préférentiels réservés aux pays les plus pauvres et dont la balance des paiements et la monnaie seraient en danger.

Après l'argent, les missions. Le FMI a été investi d'un rôle de vigie pour détecter à temps les périls et de supervision renforcée des nouvelles régulations financières. Il conduira cette surveillance de façon "loyale et franche", ce qui signifie qu'il est prié de sermonner même les Etats-Unis si ceux-ci mettaient en péril la planète. Et plus seulement les petits pays. Il partagera cette mission avec le Conseil de stabilité financière (ex-Forum de stabilité financière). Une première simulation de crise sera conduite par le FMI de concert avec ce CSF nouveau d'ici à la fin avril.

Restait le déficit de légitimité du Fonds que critiquaient les pays émergents qui se jugeaient mal représentés dans ses instances. Les réformes des droits de vote décidées en 2008 prévoyaient d'en transférer d'ici à 2014 environ 10 % vers les pays émergents et de tripler les droits de base des pays les plus pauvres. Le principe d'un achèvement de ces améliorations dès 2011 a été arrêté.

Surtout, le G20 a franchi un pas politique significatif que réclamaient à cor et à cri les pays dits "du Sud" mais aussi les organisations non gouvernementales, en mettant fin au traditionnel partage du pouvoir entre les Etats-Unis et l'Europe au sein des institutions de Bretton-Woods. Le directeur général du FMI ne sera plus obligatoirement un Européen ni le président de la Banque mondiale, un Américain. Tous deux seront choisis selon un processus de sélection "ouvert, transparent et basé sur le mérite" et donc dans n'importe quel pays du monde.

Ces deux derniers bastions occidentaux bientôt tombés, rien ne s'oppose plus à ce que les pays en développement reconnaissent la pertinence des conseils, voire des mises en garde d'un FMI plus démocratique et plus soucieux des particularités. Qu'ils acceptent de les appliquer est une autre histoire, puisque le Fonds ne dispose d'aucun pouvoir coercitif autre que l'attribution de ses prêts.



Alain Faujas

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3 217 tonnes d'or et 250 milliards de dollars pour 185 Etats

Création. Le Fonds monétaire international (FMI) est né en juillet 1944 des accords signés entre 45 pays à Bretton Woods (New Hampshire, Etats-Unis), soucieux d'éviter la répétition de la Grande Dépression de 1929.

Vocation. Le FMI s'est vu confier le soin de préserver la stabilité économique du monde par la surveillance, l'assistance technique et les opérations de prêt.

Moyens. Installé à Washington, il compte 185 Etats membres. Il emploie 2 400 salariés et a un budget de 835 millions de dollars, avec un stock d'or de 3 217 tonnes. Il avait jusqu'alors une enveloppe de 250 milliards de dollars pour les pays en péril.

Equilibre politique. Les Européens pèsent pour un tiers des droits de vote, les Américains 16 % et les Chinois moins de 4 %.