jeudi, décembre 14, 2006

Le financement privé de chaires universitaires se généralise

Le financement privé de chaires universitaires se généralise
LE MONDE | 13.12.06

L'université Paris-Dauphine a décidé de recourir à des fonds privés pour créer quatre chaires d'enseignement et de recherche. Les quatre conventions de partenariat devaient être signées mercredi 13 décembre.

Après le Collège de France (Le Monde du 12 décembre), Dauphine est la première université française à avoir négocié ce type d'accord. D'autres sont en cours de finalisation, à l'Université de Marne-la-Vallée, en particulier. De nombreuses écoles de commerce, d'ingénieur ou de management, utilisent déjà et depuis longtemps ce type de montage.


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Jusqu'à présent, l'Université française était restée en marge de ce processus, très développé à l'étranger et qui le fut aussi en France avant la deuxième guerre mondiale, selon Jacques Glowinski et Pierre Corvol, respectivement ancien et actuel administrateur du Collège de France.

A Dauphine, EDF et Calyon financent ainsi la chaire "Finance quantitative et développement durable", coordonnée par Pierre-Louis Lions, médaille Fields de mathématiques, l'équivalent du prix Nobel dans cette discipline.

Axa finance celle dénommée "Les risques majeurs". Elle est créée en partenariat avec l'Ecole polytechnique et l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique (Ensae) et sera pilotée par Jean-Hervé Lorenzi, président du cercle des économistes.

Groupama soutient la chaire sur "Les particuliers face au risque : analyse et réponse des marchés", créée aussi avec l'Ensae, sous la responsabilité de Elyès Jouini, par ailleurs vice-président de l'Université. Les AGF celle sur "Le risque santé", montée en partenariat avec Polytechnique, et dont Claude Le Pen, membre du conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux, est le responsable.

Chacune de ces chaires sera dotée d'un budget de 300 000 euros par an pendant cinq ans, sauf celle de Calyon-EDF qui bénéficiera de 400 000 euros. Des sommes faibles rapportées au budget annuel de l'Université Dauphine (65 millions d'euros) mais qui permettront d'approfondir des recherches qui auront ensuite des retombées sur l'enseignement et aussi d'inviter des universitaires étrangers, estime M. Jouini.

" Quand une université crée quatre chaires sur fonds privés, cela signifie qu'elle a quatre possibilités de recrutement supplémentaire", analyse Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale.

Pour Yves Lichtenberger, président de l'Université de Marne-la-Vallée, en négociation avec Veolia pour une chaire "Ingénierie des services à l'environnement", "le financement privé vivifie l'enseignement, l'ouvre sur l'international".

Pour les entreprises, l'intérêt est multiple. "Avec cet accord, nous bénéficierons d'échanges privilégiés avec étudiants et chercheurs", explique Claire Dorland-Clauzel, directrice de la communication, de la marque et du développement durable du groupe. "Ce qui facilitera les recrutements, la recherche, créera des liens entre le monde de l'Université et celui de l'économie, et sera créateur de richesse pour tous. Nous pourrons fournir des sujets d'étude, accueillir des étudiants. C'est du donnant donnant", ajoute-t-elle.

Ces partenariats amélioreront l'adéquation entre l'enseignement et les besoins des entreprises, pour un coût modéré pour ces dernières. Car les financements s'exerçant via des fondations, les entreprises donatrices bénéficient d'une exonération fiscale s'élevant à 60 % de leur don.

Axa finance déjà des universitaires à l'étranger. Aux Etats-Unis, l'Axa Foundation offre des bourses d'études. Elle a aidé 2 300 étudiants pour un montant de 13 millions de dollars (9,8 millions d'euros). En Chine, l'entreprise finance un programme d'enseignement et de recherche à l'Université Fudan de Shanghaï, et, associée avec HEC, à l'école de management de l'Université Tsinghua à Pékin.

Longtemps mal vu des universitaires français, ce type de coopération avec les entreprises est désormais mieux accepté. " C'est le sens de l'histoire. Il est facile de créer des chaires sur fonds privés ; il suffit que l'entreprise fasse un don. L'Université peut inviter les personnes de son choix, et pas forcément des universitaires, pourvu qu'elles soient compétentes", explique M. Monteil.

"Le monde économique a une vision affaiblie du monde universitaire, et le monde académique n'est pas totalement débarrassé de ses préventions vis-à-vis des entreprises. Mais la production de connaissance doit avoir des débouchés dans le monde économique dont le développement repose sur la recherche fondamentale. Le paysage va considérablement changer. Nous pouvons être relativement optimistes. Notre culture est inhibitrice. Mais néanmoins, cela peut aller très vite", estime ce haut fonctionnaire.

Annie Kahn