mardi, janvier 31, 2006

OMC : pour Christine Lagarde, la balle est désormais dans le camp du G20

La ministre déléguée au commerce extérieur participe, en marge de Davos, à une réunion informelle d'une trentaine de ministre du commerce extérieur, pour tenter de donner suite à l'accord de Hong Kong de décembre. Le déficit du commerce extérieur français devrait atteindre 25 milliards d'euros en 2005, mais les exportations approchent le niveau record de 350 milliards d'euros.

Rencontre avec Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, vendredi 27 janvier 2006, à Davos. Elle fait le point sur l'avancée du cycle de Doha alors que se tient jusqu'à samedi 28 janvier, en marge du Forum Economique Mondial, une réunion ministérielle de l'Organisation Mondiale Commerce (OMC). Habituée du forum économique mondial, auquel elle a participé à de nombreuses reprises au titre de ses anciennes fonctions de dirigeante du cabinet d'avocat américain Baker & McKenzie, Christine Lagarde nous reçoit dans un salon de l'Hôtel Belvédère, le plus prestigieux de la célèbre station suisse du massif des Grisons. Au menu de sa visite, des rencontres bilatérales avant une réunion informelle d'une trentaine de ministres du commerce extérieur, pour tenter, d'ici samedi, d'avancer sur le calendrier de la conclusion du cycle de Doha, qui doit normalement s'achever à la fin 2006. Elle participe aussi, dimanche soir, à un dîner avec ses collègues européens.

Un mois après le mini-accord de Hong Kong, beaucoup reste à faire, reconnaît-elle. La France continue de militer pour un "accord équilibré sur les trois piliers": agriculture, produits industriels et services. Alors que Robert Portman, le représentant américain au commerce, plaide, à Davos, pour un nouveau geste européen sur les subventions agricoles, Christine Lagarde ne baisse pas pavillon. C'est, désormais, du côté du G20 et des pays émergents que doit venir le déblocage des négociations. "Si d'ici fin avril, on n'a pas avancé sur les produits industriels, avec une proposition concrète du G20, il sera difficile de conclure Doha cette année", reconnaît-elle. Une déclaration en ligne avec la position réaffirmée jeudi par Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce, qui exclut tout nouveau geste sur l'agriculture sans concessions de la part des autres parties.

Double record pour le commerce extérieur en 2005

Christine Lagarde, qui dévoilera vendredi 10 février les résultats définitifs du commerce extérieur français pour 2005, se félicite des exportations records enregistrées l'an dernier, près de 350 milliards d'euros. Airbus représente 13 milliards d'euros dans ce résultat, soit 3% du total. Preuve que malgré sa dépendance aux pays européens à faible croissance, qui représentent les deux tiers de ses ventes, la France a su gagner du terrain en 2005 sur les zones du monde les plus dynamiques : la Chine (+20% des exportations), l'Inde (+45%) et les Etats-Unis (+9%).

Un signe que la France a tout à gagner de la mondialisation. "Nous devons mieux prendre conscience des atouts que nous avons, notamment dans les technologies nouvelles", insiste Christine Lagarde. Mais elle ne minimise pas pour autant l'autre record qu'elle doit annoncer début février, celui de notre déficit commercial. Il devrait atteindre environ 25 milliards d'euros. "C'est un record en valeur absolue, mais pas en valeur relative". La France a connu pire dans les années 80. "La facture pétrolière représente environ la moitié de l'excédent de déficit par rapport à 2004 (le trou était alors de 7 milliards d'euros - NDLR)", souligne-t-elle. L'autre moitié, c'est surtout un déficit de croissance. Les Français consomment plus que les autres européens, surtout des produits importés, chinois, ou indiens... Une raison de plus, pour les entreprises françaises, de venir en plus grand nombre à Davos. Et si on cessait de diaboliser la mondialisation...

Philippe Mabille

dimanche, janvier 29, 2006

Le Japon crée un partenariat solide avec la BAD pour l’aide au secteur privé en Afrique

Tunis, 24 janvier 2006 – Le Président de la Banque africaine de développement (BAD) M. Donald Kaberuka et le Directeur général du Département de l’aide au développement de la Banque japonaise pour la coopération internationale (JBIC), M. Kaname Nakano, ont signé aujourd’hui « les directives relatives à la mise en œuvre » de la Facilité de co-financement accéléré pour l’Afrique (ACFA).



Le Président Kaberuka a également signé avec M. Yoneyama, Administrateur de la Banque africaine de développement pour le Japon, des échanges de lettres relatifs au Fonds d’aide au secteur privé en Afrique (FAPA).
Ces instruments font partie intégrante du programme d’Assistance renforcée au secteur privé en Afrique (EPSA), qui comprend les composantes ci-après : i) un co-financement de projets à garantie souveraine pour le développement du secteur privé (ACFA) ; ii) un prêt à la BAD en faveur des opérations à garantie non souveraine et iii) une composante don (FAPA) destinée à soutenir les programmes d’assistance technique autonomes, ou des opérations souveraines ou non souveraines. Le Japon a alloué 1 milliard $ EU à la composante prêt sur une période de 5 ans et engagé un montant initial de 20 millions $ EU en faveur de la composante assistance technique.
Cette approche intégrée renforce sensiblement la stratégie de développement du secteur privé qui intègre les activités de développement du secteur privé dans tous les aspects des activités opérationnelles de la BAD.
Dans le cadre de la Facilité de co-financement accéléré (ACFA) pour les prêts à garantie souveraine, le Japon co-financera les programmes financés par l’Etat dans les pays éligibles aux prêts qui couvriront un ensemble d’activités destinées à promouvoir le développement du secteur privé en général.
Les ressources du FAPA seront utilisées en vue de l’octroi de dons déliés pour la réalisation d’études, l’assistance technique et le renforcement des capacités aux pays, aux communautés économiques régionales et aux organisations intergouvernementales similaires, aux associations des gens d’affaires, aux institutions chargées de la réglementation des marchés, aux prestataires de services pour le développement des affaires, à la formation commerciale, aux institutions de recherche et aux entreprises issus du partenariat public privé. Ces ressources serviront également à promouvoir de nouveaux programmes axés sur l’appui aux petites et moyennes entreprises, y compris la fourniture de ressources initiales pour les activités de démarrage d’entreprise, les incubateurs d’entreprises, etc.

mercredi, janvier 25, 2006

Migrations, développement, mondialisation

Par Pierre Jacquet, 9/01/2006

La mobilité des personnes était l’une des caractéristiques de la mondialisation au 19ème siècle, à la différence de celle que nous connaissons depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui a principalement reposé sur les mouvements de biens et services et de capitaux. Les coûts d’ajustement de cette « première mondialisation » en matière de répartition des revenus au détriment des emplois non qualifiés dans les pays hôtes avaient alors poussé les gouvernements à tenter d’accroître par des barrières migratoires et commerciales la « distance économique » entre les pays, enrayant ainsi l’internationalisation des économies avant même la première guerre mondiale.

Or, depuis quelques années, les flux migratoires se sont à nouveau considérablement développés. D’après le récent rapport de la « Commission globale sur les migrations internationales », les migrants représentent près de 200 millions de personnes, soit 3% de la population mondiale. Leur nombre a doublé en 25 ans. Ils représentent près de 8% de la population européenne, de 13% de la population d’Amérique du Nord et de 19% de celle de l’Australie. Près de la moitié sont des femmes. Cette dynamique migratoire est encore appelée à s’amplifier. L’apparition et la diffusion des médias modernes (télévision, téléphone et internet) dans les pays en développement y ont mis en évidence l’extraordinaire différence des conditions de vie (économiques, politiques et sociales) entre pays, alors que la baisse des coûts de transport facilite les mouvements de personnes. Les migrations représentent aussi un phénomène à « coûts décroissants » : le coût d’émigrer baisse dès lors qu’un volume suffisamment important de migrations permet la création de réseaux, dans les différents pays d’accueil, qui facilitent l’accès des nouveaux migrants et accroissent l’incitation à bouger.

Surtout, les tendances démographiques accentuent les pressions migratoires : le Nord, riche et vieillissant, a besoin de main d’oeuvre ; les pays pauvres connaissent une croissance démographique élevée et leurs économies n’offrent pas à leurs populations actives et à leurs jeunes suffisamment de perspectives d’emploi. Déjà, entre 1990 et 2000, près des neuf dixièmes de la croissance démographique en Europe était due à l’immigration. Sans ces flux migratoires, la population européenne aurait diminué de plus de 4 millions de personnes entre 1995 et 2000.

Pour éviter les errements du passé, il est urgent de penser les migrations comme un fait de la mondialisation et un aspect de la problématique de sa régulation multilatérale. Plutôt que le protectionnisme du « chacun pour soi », il faut établir des disciplines multilatérales et des bonnes pratiques, pour les migrants comme pour les pays d’origine et les pays d’accueil, avec le souci de prendre en compte les grands défis de la mondialisation, notamment les enjeux du développement. Il faut pour cela créer le corpus de connaissances nécessaire à l’élaboration d’une théorie des flux migratoires qui puisse documenter leurs déterminants et leur impact économique et social sur les pays d’origine et les pays hôtes. L’absence de ce cadre théorique est coûteuse pour l’élaboration des politiques, car elle laisse ces dernières plus vulnérables aux pressions de court terme et moins à même de construire une réponse dans la durée et sur la base d’une connaissance approfondie du phénomène. L’exemple récent de la crise des banlieues en France, et les nombreuses déclarations établissant une liaison avec les phénomènes migratoires, a confirmé que, faute d’une meilleure compréhension du sujet, il se prêtait davantage aux spéculations qu’à l’analyse et l’argumentation.

Une littérature abondante existe sur l’impact sur les pays hôtes : contribution économique des migrants, difficultés d’intégration, effets sur les salaires et les prix. L’impact sur les pays d’origine a cependant été très peu analysé. Pour remédier à cette lacune, Maurice Schiff et Çaglar Özden publient pour la Banque mondiale une importante étude sur les migrations internationales et le développement, qui présente notamment la première banque de données vraiment significative sur la « fuite des cerveaux » et en discute les différentes dimensions.

Une proportion importante des populations éduquées des pays pauvres quitte ces pays, ce qui est particulièrement préoccupant dans des domaines aussi cruciaux que la santé ou l’enseignement. Par exemple, il y aurait plus de médecins originaires du Malawi dans la ville anglaise de Manchester que dans tout le Malawi. A l’inverse, la perspective de migrer peut aussi créer une incitation à se former et à construire du capital humain. Mais comment garder le capital humain formé, ou comment bénéficier de ses retombées s’il émigre ?

Cette étude confirme aussi le rôle des transferts financiers des migrants en matière de réduction de la pauvreté et de constitution de capital physique et humain. Ces transferts ont probablement plus que doublé dans les dix dernières années pour dépasser 150 milliards de dollars selon les chiffres officiels (et sûrement bien davantage en réalité), soit plus de deux fois les volumes annuels de l’aide au développement. Ils peuvent s’interpréter comme le juste retour de la migration, et la qualité des instruments de transfert et de l’utilisation des fonds représente évidemment un enjeu déterminant pour le développement.

Ces analyses suggèrent que l’aide au développement est appelée à jouer un rôle important dans l’élaboration d’un régime multilatéral de gestion des migrations. Elle doit notamment contribuer à intéresser les migrants au développement de leurs pays et, par le « codéveloppement », permettre de mutualiser le retour sur leur capital humain. Elle peut aussi contribuer à renforcer l’efficacité des instruments de transferts disponibles et à appuyer le développement des systèmes financiers locaux (notamment par la microfinance) susceptibles de sécuriser l’épargne des migrants et de permettre son investissement dans des domaines plus diversifiés. L’aide au développement représente donc l’un des maillons de la mise en place d’une gestion ordonnée des flux migratoires, l’un des nouveaux défis multilatéraux auxquels il faut apprendre à faire face si l’on veut à la fois tirer parti du potentiel des migrations et éviter un nouveau phénomène de rejet de la mondialisation.