mercredi, juin 29, 2005

Maroc : table ronde sur la réforme du service de l'eau

Au menu, la réforme institutionnelle du service de l’eau d’irrigation et le partenariat public-privé

A l’initiative de l’Amicale des Ingénieurs du Génie Rural (AIGR) et en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche Côtière, se tient aujourd’hui 25 juin, à Agadir, une table ronde internationale sur « La réforme institutionnelle du service de l’eau d’irrigation au Maroc et le partenariat public-privé en irrigation : cas du périmètre irrigué El Guerdane ».
Nul besoin de souligner l’intérêt que présente cette rencontre de dimension internationale, pour notre pays qui traverse une phase difficile à cause des retombées du phénomène de la sécheresse dont l’impact négatif sur les ressources en eau notamment, est vivement ressenti tant pour les besoins de consommation que pour l’irrigation. D’où l’urgence qu’il y a de concevoir un cadre institutionnel et juridique qui puisse être en phase avec les exigences du nouveau contexte, être à même de mieux répondre aux besoins tant des populations, que de l’agriculture et de l’économie de façon générale.

Quelle démarche donc faut-il adopter ?, lesquelles des options faut-il privilégier ?, quels sont les moyens à mettre en œuvre ?,... bien des questions, entre autres, qui sont au centre d’intérêt des participants à cette table ronde internationale, qui y voient la réforme du cadre institutionnel et juridique du secteur de la grande irrigation, comme un impératif majeur.

Impératif également de renforcer le partenariat public-privé dans ce domaine pour promouvoir la coopération et le cofinancement, autres thèmes non de moindre importance qui est au menu des débats comme le sont les contraintes que connaît le secteur de l’irrigation en termes de rareté des ressources, de déperditions, de pollutions de tous genres et d’une gestion irrationnelle.

Des thématiques dont la richesse et les enjeux sont appréhendés dans le cadre d’une approche de renouveau, sous-tendue par les principes de bonne gestion, de sauvegarde et de protection et également d’une meilleure répartition,... que les experts tant nationaux qu’internationaux reconnaissent comme essentiels à la pérennité de la ressource et à la viatique du secteur agricole irrigué. Et l’on sait toute l’importance que revêt ce dernier qui bien qu’il ne représente que 13% de la superficie agricole utile, contribue à hauteur d’environ 45% (en moyenne) de la valeur ajoutée agricole, constitue quelque 75% des exportations agricoles et assure plus du tiers de l’emploi en milieu rural. Des performances qui font incontestablement de la stratégie d’aménagement hydro-agricole un véritable catalyseur pour l’économie nationale.

A cet effet, d’ailleurs, il y a lieu de noter que le Programme d’Amélioration de la Grande Irrigation (PAGI), s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques du développement agricole dans la perspective de l’an 2020. Ce programme, outre qu’il vise à réunir toutes les conditions permettant aux grands périmètres irrigués de réaliser pleinement et de manière durable leurs potentiels de production, s’articule autour de trois composantes essentielles à savoir : l’amélioration des performances hydrauliques des systèmes d’irrigation, l’amélioration de la productivité ainsi que l’amélioration de l’efficacité opérationnelle des Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA). Une orientation rendue nécessaire car de par sa rareté de plus en plus prononcée, l’eau risque de devenir un véritable facteur limitatif pour l’agriculture au lieu d’en être l’élément moteur. La promotion du potentiel hydrique comme celle des aménagements hydro-agricoles est une affaire de synergies d’ensemble, à savoir les pouvoirs publics, les opérateurs privés et les usagers. Ces acteurs sont plus jamais interpellés à faire preuve d’imagination et d’innovation, pour créer de nouveaux espaces de coopération autour du secteur de l’hydraulique pour en faire des leviers susceptibles de générer emplois, richesses et stabilité dont tirerait largement profit l’économie rurale plus particulièrement et l’économie nationale de façon générale.

Abdelkader MOUHCINE

jeudi, juin 23, 2005

La microfinance cherche les moyens de "changer d'échelle"

La microfinance, qui permet à des millions de démunis d'avoir accès au crédit, doit trouver de nouveaux moyens financiers et humains si elle veut contribuer à une réduction durable de la pauvreté dans le monde, ont affirmé, lundi 20 juin, les participants à une conférence internationale sur le sujet organisée à Paris.



"La microfinance doit changer d'échelle. Passer de quelques dizaines de millions de bénéficiaires aujourd'hui à plusieurs centaines demain", a déclaré le président français, Jacques Chirac, en ouvrant la conférence "Elargir l'accès à la microfinance" qui a réuni ministres, banquiers, ONG, bailleurs de fonds et acteurs du développement. La microfinance s'adresse aux quelque trois milliards de personnes - la moitié de l'humanité - qui n'ont pas accès aux services financiers des banques.


Le professeur d'économie bangladeshi Muhammad Yunus, père de la microfinance moderne, a notamment présenté son initiative, la Grameen Bank, créé en 1983 dans son pays pour prêter aux paysans pauvres (Grameen signifie "village"). Depuis cette date, quelque 4,2 millions de personnes - dont 96% de femmes - ont emprunté à cette banque des sommes pouvant être inférieures à 10 dollars.


Aujourd'hui, la Grameen Bank dispose de quelque 1 400 succursales dans tout le Bangladesh. En 2004-2005, elle a prêté 454 millions de dollars à de petits entrepreneurs, mais aussi à des étudiants et même à des mendiants. Comme souvent en matière de microfinance, ses taux d'intérêt sont supérieurs à ceux en vigueur sur le marché : "Nous prenons 20 % pour les crédits qui financent des activités génératrices de revenus, 8 % pour les prêts immobiliers, 5 % pour les prêts étudiants, et pas d'intérêts pour les prêts aux mendiants", précise M. Yunus.

"LIBÉRER LE POTENTIEL DE LA MICROFINANCE"

Sur le modèle de la Grameen, des institutions de microfinance (banques, caisses populaires, crédit mutuel, sociétés villageoises...) ont vu le jour en Afrique et en Amérique latine. Selon les estimations, quelque 60 millions de personnes, dont 60% de femmes, bénéficient aujourd'hui dans le monde des services des institutions de microfinance, avec des prêts qui varient de 15 à 1 000 dollars.

Ces institutions peuvent elles-mêmes recevoir des subventions des agences de développement des pays riches. "Dans l'avenir, l'argent devrait venir de l'épargne locale. On a commencé avec le crédit. L'optique de collecte de l'épargne est récente. Deuxièmement, pour capter l'épargne, il faut avoir un statut légal et être supervisé par les banques centrales. Mais cela commence à changer", explique Alexia Latortue, du CGAP (Groupe consultatif d'assistance aux plus pauvres), un consortium qui réunit 30 agences de développement dans le monde.


Pour "libérer le potentiel de la microfinance", le chef de l'Etat français a aussi rappelé qu'il fallait "un cadre légal fiscal et adapté". M. Chirac a suggéré d'"adapter les normes bancaires nationales et internationales aux réalités de la microfinance".

Ex-conseiller du président socialiste François Mitterrand et actuel responsable de l'organisation d'aide au microcrédit Planetfinance, Jacques Attali a également plaidé pour "la professionnalisation, l'augmentation des bailleurs de fonds, et la participation des banques commerciales".


De l'avis général, la microfinance n'est cependant pas la "panacée" pour remplir les objectifs du millénaire de l'ONU (réduire de moitié le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté d'ici à 2015), qui a décrété 2005 "année internationale du microcrédit". "Elle ne remplace pas un haut niveau d'aide publique", a affirmé Nemat Shafik, du DFID, l'agence de développement britannique.

Des entreprises « responsables » ?

Article paru dans l'édition du 01.06.05



Incarnation microéconomique du « développement durable », la responsabilité sociale et environnementale (RSE) se déplace depuis quelques années de la sphère des intentions vers celle des engagements, quantifiés et contrôlables, envers les parties prenantes : actionnaires, salariés, clients, pouvoirs publics, société civile, générations futures même. Pour les entreprises qui s'engagent, les bénéfices sont clairs : alignement sur les demandes des consommateurs, gains de réputation, accroissement de la productivité par réduction des gaspillages, attractivité à l'égard des meilleurs talents, culture renforcée de l'innovation, meilleure gestion des risques, etc.

Cependant, ce sont les acteurs économiques du Nord qui font vivre ce mouvement, alors que les plus grands enjeux sociaux et environnementaux de demain sont au Sud. La RSE devra donc s'étendre aux pays en développement (PED) si l'on veut un monde viable. Mais le terrain n'est pas propice.

La première difficulté est éthique. L'émergence de la RSE s'interprète d'abord comme un renforcement des devoirs des multinationales (du Nord) à un moment où leurs droits se sont accrus comme jamais dans l'histoire, suite à la libéralisation des échanges et des investissements. Un rééquilibrage est donc nécessaire, mais comment convaincre les PME du Sud qu'elles sont concernées - elles dont la mobilité et l'intégration internationales sont souvent limitées voire inexistantes ?

Par ailleurs, le coût de la RSE peut être prohibitif pour ces acteurs fragiles aux carences technologiques importantes, qui manquent de formation comme de crédits bancaires. Le prix de la certification est considérable : jusqu'à 20 000 dollars pour un audit environnemental (ISO 14001) ou social (SA 8000), soit dix-sept fois le revenu annuel moyen par habitant des PED ! Certes, les entreprises sous-traitantes qui ont intégré les chaînes de production mondiales sont peu à peu sommées de se « mettre à niveau » ; mais elles portent le coût de l'effort sans en capter les bénéfices : seules les firmes du Nord sont en relation directe avec des consommateurs disposés à payer.

Vue des PED, la RSE apparaît comme une arme protectionniste au service des pays riches, une barrière commerciale qui ne dit pas son nom, un fardeau dont le résultat est de freiner l'investissement et l'emploi dans les PED. Aussi, l'extension de la RSE aux pays du Sud peut-elle paraître à la fois indispensable et utopique : la contradiction est terrifiante.

Pour une fraction du monde en développement, il faut s'y résoudre, la RSE n'est pas concevable. Moins, d'ailleurs, pour des raisons économiques que politiques. En effet, toute diffusion de la RSE s'appuie sur un contrat social tacite plus vaste, un sentiment du « vivre ensemble » qui donne sens et unité à la société. Or dans certains pays, ce contrat est si fragile qu'il semble inexistant, laminé par les tensions communautaires et les défaillances de l'Etat. La RSE ne peut avoir de sens, ici, que pour les multinationales liées au contrat social de leur pays d'origine.

Mais là où un pacte collectif et un Etat minimum existent, la RSE peut prendre racine. D'ailleurs, nombre de PME du Sud ont déjà des comportements « responsables » dans des domaines où les multinationales ne brillent pas forcément : elles réinvestissent leurs profits localement, ont de réels liens avec leur milieu culturel et appliquent souvent une éthique philanthropique, religieuse ou familiale. Ces réalités sont si fortes que certains n'hésitent pas à évoquer la « responsabilité sociale silencieuse » des entreprises du Sud. Pour la renforcer, il faut partir de l'existant dès qu'il y en a. Néanmoins, même dans ces contextes favorables, un défi demeure : comment rendre la RSE économiquement rentable, et donc durable ? Plusieurs pistes peuvent être suivies.

FINANCEMENTS

Soutenues par l'aide internationale, les autorités locales devraient libérer les entreprises des contraintes de (trop) court terme qui les étranglent afin de reculer leur horizon économique pour le rendre compatible avec le renouvellement écologique et l'investissement social. Il s'agit, par exemple, d'accorder aux banques et aux entrepreneurs des financements à long terme - prêts ou prises de participation. Pour les micro-entreprises du secteur informel, la microfinance est l'instrument désigné pour investir en l'absence d'épargne, à l'écart des pratiques usurières. Il convient également de réduire les coûts de certification - sociale et environnementale - à des niveaux raisonnables - soit en les subventionnant, soit en confiant ce rôle à des organismes publics internationaux.

La loi, enfin, a un rôle à jouer dans la diffusion de la RSE ; les exemples ne manquent pas pour le rappeler. Dans les forêts du Gabon, on peut accorder aux entreprises exploitantes des financements et des concessions longues à condition d'obtenir d'elles une gestion durable des ressources. Au Vietnam, les opérateurs étrangers pourraient se voir imposer un partage équitable des coûts de la RSE avec leurs sous-traitants. Sur ces questions, l'aide publique au développement doit renforcer les capacités conceptuelles, administratives et décisionnelles des Etats. L'extension mondiale de la RSE est une tâche urgente mais écrasante. De la gestion de cette antinomie dépend notre avenir commun.

par Jean-Michel Severino

Le microcrédit est devenu un instrument financier mature

Des prêts de quelques euros constituent souvent un levier de la lutte contre la pauvreté


Et si le microcrédit était l'une des clés du développement des pays du Sud ? Ces petits prêts - parfois de quelques dizaines d'euros -, destinés aux populations les plus démunies pour qu'elles développent leur petite entreprise profitent aujourd'hui à 60 millions de personnes dans le monde. Alors que la moitié de la population mondiale n'a pas accès aux services bancaires, selon l'Organisation des Nations unies (ONU), ces instruments financiers se révèlent être des leviers de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. « L'accès à ces crédits permet aux plus pauvres de créer leur propre emploi par l'achat d'un outil de travail ou l'ouverture d'une échoppe sur un marché », explique Luc Rigouzzo, directeur du département financier et du développement du secteur privé de l'Agence française de développement, qui organise, le 20 juin à Paris, une conférence internationale sur les enjeux et les acteurs de la microfinance.

De la petite banque locale tenue par les villageois aux structures d'envergure nationale, le nombre d'institutions de microfinance (IMF) est évalué à 10 000 dans le monde. Toutes ont en commun de fournir des services financiers à une clientèle plus pauvre et plus vulnérable que celle des banques classiques. Elles accordent chaque année entre 500 millions et 1 Milliard de dollars de prêts dont les montants varient de 25 à 1 000 dollars. Et permettent aux emprunteurs d'avoir une source de revenu stable. Mais les besoins sont énormes. On estime à 500 millions le nombre de micro-entrepreneurs dont le besoin annuel de financement, de quelques centaines d'euros, ne peut être satisfait. « Les pays pauvres ont droit à des services financiers sûrs et de bonne qualité. Sans ces modes de financement, il sera difficile de réduire efficacement la pauvreté dans le monde », affirme Christina Barrineau, chargée pour les Nations unies de la coordination de l'Année du microcrédit, qui se déroulera tout au long de 2005.

En trente ans, ces dispositifs d'aide ont évolué. A l'origine, le microcrédit se bornait à consentir des prêts, mais il s'est diversifié en une gamme de services financiers non bancarisés comme les produits d'épargne, l'assurance, les garanties, le transfert d'argent... « Ces services répondent au besoin de se protéger, tout en garantissant des liquidités accessibles à tout moment », explique M. Rigouzzo. Ces modes de financements sont particulièrement utiles aux femmes. Dans certains pays comme le Bangladesh, celles-ci constituent 90 % des micro-emprunteurs. La microfinance a contribué à leur insertion et amélioré leurs conditions de vie, selon la Banque mondiale, qui insiste sur les effets directs en matière de scolarité et de qualité de l'alimentation. Plusieurs établissements de microfinance ont d'ailleurs choisi de s'adresser prioritairement aux femmes, comme le Women World Banking.

L'une des raisons du développement de ces institutions est leur viabilité. Grâce au suivi dont bénéficient les emprunteurs, ces structures font valoir de très bons taux de remboursement. Ce qui a amené les banques classiques à s'intéresser à ces procédés. Ainsi d'HSBC qui, après s'être investi dans un projet de microfinance en Chine, vient de sceller une alliance avec une IMF présente au Royaume-Uni et aux Philippines. Le partenariat vise à transférer à moindre coût l'argent de travailleurs philippins vers leur famille restée au pays. Du fait de ce développement, plusieurs agences de notation financière spécialisées sont apparues ces dernières années, comme MicroRate ou PlaNet Finance. Même les géants du secteur, comme Standard's & Poors ou Moody's, ont enrichi leur portefeuille clients d'institutions de microfinance.

Malgré ces réussites, de nombreuses institutions de microfinance ont encore besoin de fonds publics pour fonctionner. « Ce soutien reste nécessaire pour qu'il n'y ait pas de fracture entre les populations les plus reculées et celles qui ont un accès facilité au microcrédit », précise Bernd Balkenhol, chef du Programme finances et solidarité du Bureau international du travail.

Jorge Carasso